À l’occasion de l’entrée de 200 œuvres, de 400 dessins et de pièces d’archives du peintre T’ang Haywen dans la collection du musée national des arts asiatiques – Guimet, l’institution organise une rétrospective et dévoile le travail majeur de cet artiste franco-chinois, encore trop méconnu en France. Elle a confié à notre maison le soin d’éditer le catalogue. Valérie Zaleski, conservatrice des collections de peinture chinoise au musée Guimet et commissaire de l’exposition, présente les enjeux de cet événement.
Au musée Guimet, l’heure est aux dernières retouches avant l’ouverture prochaine de l’exposition. Les techniciens muséographes ajustent les éclairages sur la secrète beauté des œuvres, encore dissimulées sous les voiles blancs ; les installateurs déposent les derniers cadres avec précaution et le chargé de production vérifie les cartels.
Véritable cheffe d’orchestre, Valérie Zaleski est la commissaire de l’exposition. Elle nous accueille chaleureusement et nous invite à une visite en avant-première.
« L’œuvre de T’ang Haywen est unique, confie-t-elle, car elle incarne la rencontre de deux mondes, l’Orient et l’Occident. L’artiste arrive en France en 1948. Il a 21 ans et il vient étudier la médecine. Mais très vite, il préfère suivre les cours de l’académie de la Grande-Chaumière, l’un des grands foyers de la vie artistique à Montparnasse. Formé initialement par son grand-père à la calligraphie, il étudie l’art occidental académique, visite les musées parisiens, dont le musée Guimet. Ses premières œuvres sont des études figuratives à l’aquarelle et à la gouache. Si elles reflètent l’apport de cet apprentissage parisien, elles manifestent déjà un tropisme vers la peinture chinoise. Pendant toute sa carrière, il oscillera entre deux voies, la couleur et le monochrome, la figuration et la non-figuration.
« T’ang Haywen a longtemps pour livre de chevet un ouvrage fondamental du xviiie e siècle sur la peinture chinoise, écrit par le moine Shitao, alias Citrouille-Amère. Sur la pensée de ce peintre du début de la dynastie Qing se fonde le geste sûr et rapide de T’ang Haywen, un trait unique et maîtrisé qui épouse, dans un souffle, les éléments de la nature, que l’artiste aimait tant découvrir à travers ses très nombreux voyages dans le monde. La rétrospective offre un parcours qui correspond aux grandes étapes de sa carrière, depuis son arrivée à Paris jusqu’aux diptyques ou triptyques de petit format peints à la fin de sa vie, expressions d’un esprit taoïste célébrant l’harmonie qui unit l’homme au monde.
« Le catalogue d’exposition, que nous avons souhaité confier à votre maison d’édition, porte le même enjeu que l’exposition : dévoiler, à l’occasion de la donation de l’État au musée Guimet, l’immense talent d’un grand artiste franco-chinois trop méconnu. À sa mort, en 1991, les biens de T’ang Haywen, qui n’avait pas d’héritier, ont été confiés à l’État. Des enchères ont dispersé une partie du fonds, tandis qu’une autre partie a été attribuée au musée par les services des Domaines. Je me souviens de ma surprise lorsque j’ai découvert les œuvres et de ma vive émotion lorsque je les ai sélectionnées.
Le catalogue a l’ambition de présenter l’artiste et son œuvre, de façon simple et condensée. Il les rend accessibles, par son prix et par un langage clair.
« Nous avons déterminé que trois textes descriptifs, complémentaires entre eux, accompagneraient la sélection d’une cinquantaine d’œuvres emblématiques. Il nous a semblé juste de donner tout d’abord la parole à Philippe Koutouzis, l’ayant droit qui est aujourd’hui chargé de valoriser l’œuvre de T’ang Haywen, selon le souhait du frère de l’artiste, et qui prépare un catalogue raisonné de son œuvre. Très vite, il a proposé de réduire la place de son texte pour laisser une part majeure à l’écriture, plus intime, de Jean-Paul Desroches, ami proche de l’artiste et conservateur sinologue au musée Guimet. Ensemble, ils avaient réalisé un conte philosophique, Le rêve de Ximei, où les textes du chercheur étaient illustrés par les encres de l’artiste.
En 2002, après la mort de son complice, Jean-Paul Desroches lui a rendu un dernier hommage à travers « Les chemins de l’encre », une exposition au musée Guimet.
« La couverture à plat du catalogue est un clin d’œil au diptyque, format cher à T’ang Haywen, mais sa couleur rose, franchement assumée, rappelle les techniques occidentales. J’apprécie toujours beaucoup l’attention que vos éditions accordent au respect des couleurs des œuvres. Je pense que la publication est à l’image de cet artiste si discret, si effacé, qui se tenait à l’écart du monde artistique médiatique. Elle lui rend un parfait hommage. »