La Joconde, tableau le plus célèbre du monde, a été commenté, admiré, copié depuis plus de cinq cents ans. Il a fait l’objet de nombreuses études, de romans, d’essais et même de bandes dessinées. Aussi, que dire, qu’écrire de neuf au sujet de cette icône devenue universelle ? GrandPalaisRmnÉditions relèvent le défi avec le catalogue Joconde publié à l’occasion de l’exposition « La Joconde. Exposition immersive » au palais de la Bourse à Marseille, événement en 360°, coproduit par le Grand Palais Immersif et le musée du Louvre.
De nombreux ouvrages avaient déjà abordé cette œuvre, le peintre Léonard de Vinci, son époque et le mythe qui s’est construit autour de la figure de Monna Lisa… Sur la base du synopsis de l’exposition, le point de départ de la réflexion éditoriale a donc été de se demander si cette toile si connue, à la croisée des cultures savante et populaire, n’était pas finalement méconnue, sa faculté à se dérober participant du mystère et de la fascination qu’elle exerce.
Conçu comme une collection de fanzines, l’ouvrage issu de cette réflexion croise ainsi la parole donnée à des créateurs qui ont tissé un rapport personnel et fort avec La Joconde et le point de vue d’experts qui entraînent le lecteur dans une enquête passionnante, tandis que sont déjoués lieux communs et images farfelues dans un dictionnaire des idées reçues.
- Des tête-à-tête avec Monna Lisa
Parce que chaque expérience de l’art est personnelle, c’est une infinité d’histoires qui se jouent entre La Joconde et ses spectateurs. Ainsi, il nous a semblé intéressant de donner la parole à des auteurs aussi différents qu’inhabituels dans leur approche artistique afin de saisir leur regard, leur intimité et leur appropriation du mythe. Vincent Delieuvin, conservateur en chef de la peinture italienne du xvie siècle au musée du Louvre, s’est emparé du projet avec enthousiasme et a contacté des personnalités inattendues qui, toutes, ont été très stimulées par cette proposition.
Des paroles d’artistes comme la photographe Bettina Rheims ou le street-artiste Invader sont mêlées à celles de Cinzia Pasquali, restauratrice pour le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), du journaliste Jérôme Coignard ou de Mercedes Erra, publicitaire. Une étroite intimité se noue entre le spectateur et la toile. « J’étais si près d’elle que je pouvais sentir son odeur », confie l’artiste brésilien Vik Muniz dans son entretien pour le catalogue. « Monstre […] populaire », selon le peintre Yan Pei-Ming, elle est une source d’inspiration pour le créateur Jean-Charles de Castelbajac ainsi que pour les illustrateurs Soledad Bravi et Stéphane Levallois.
« Il fallait proposer le plus grand nombre d’entrées inédites sur La Joconde, en partant du principe que c’est la multiplicité des visions qui crée une œuvre d’art. Une mine d’informations qui se lit comme un roman ! » explique Véronique Leleu, la responsable d’édition pour ce titre.
Les moustaches de Monna Lisa
Les équipes des éditions et du Louvre, en réinterrogeant ensemble le sujet, se sont prises au jeu des nombreuses idées reçues et ont balayé les soi-disant énigmes suspendues aux lèvres de Monna. Chacun des six cahiers qui composent le catalogue contient un texte qui déconstruit les clichés sur La Joconde. « Vincent Delieuvin a une très fine connaissance des fausses interprétations. Il a pu apporter à ce livre des éléments nouveaux et scientifiques. Moi qui croyais connaître La Joconde, j’ai encore fait des découvertes bluffantes ! » confie Véronique Leleu.
Les innombrables interprétations dont Monna Lisa a fait l’objet se reflètent dans le graphisme éclectique de l’ouvrage, puisque chaque cahier adopte une mise en pages qui lui est propre.
Le façonnage du volume offre quant à lui une métaphore du caractère mystérieux de la dame insaisissable : Joconde, le catalogue, semble glisser entre les doigts tant il est souple et ductile. Il se déploie, passe du petit format au plus long, des mystères cachés aux images révélées. D’un geste de la main, les plis se couchent, le livre s’allonge et devient tableau.
Chaque manipulation fait jaillir le regard de l’icône et captive d’autant plus le nôtre. Sa couverture ondoyante se tord comme un corps. De couleur bleue, l’icône pose « en objet pop. […] Léonard rend compte de l’âme humaine dans une totale modernité », selon la publicitaire Mercedes Erra.
Dans le développé des cahiers, une citation amusante d’André Malraux surgit du feuilletage : « Savez-vous pourquoi la Joconde sourit ? Parce que tous ceux qui lui ont posé des moustaches sont morts. » Ces mots deviennent, grâce au graphiste Aurélien Farina, des jeux visuels, des éléments plastiques à part entière.
« Réjouissant et surprenant ! » : c’est ainsi que Roei Amit, directeur du Grand Palais Immersif, qualifie le catalogue qui accompagne son exposition. Joconde, dans sa forme et dans son fond, répond au caractère insaisissable et charismatique de la célèbre immortelle. Tous deux, représentations libres, figures vivantes et singulières, incarnent une identité forte, proposent une lecture ludique et instaurent une réelle proximité affective, comme le suggère cette confidence de Bettina Rheims : « Si j’avais [Monna Lisa] dans mon salon, on pourrait peut-être commencer une conversation. »