Célèbre de son vivant, l’artiste Edvard Munch continue de fasciner. L’exposition que lui consacre le musée d’Orsay « Edvard Munch. Un poème d’amour, de vie et de mort » est un événement et les deux publications qui l’accompagnent, en coédition avec GrandPalaisRmnÉditions, ont déjà fait l’objet de plusieurs réimpressions.
Nous avons rencontré Claire Bernardi, commissaire de l’exposition, au sujet du catalogue Munch et du livre d’art Mots de Munch : son ambition était d’offrir, à travers chacun de ces ouvrages, un bel objet d’art et une relecture de l’œuvre de Munch.
L’œuvre de Munch n’est pas réductible à son Cri
Pas moins de quatre années ont été nécessaires pour monter cette exposition ambitieuse et son catalogue. « Le musée Munch d’Oslo est venu en 2018 nous proposer, à travers un partenariat, de construire une grande exposition Munch à Orsay. Détenteur de la collection principale léguée par l’artiste à la ville, le musée norvégien nous assurait ainsi un certain nombre de prêts majeurs. La dernière exposition à Orsay remontait à plus de trente ans, avec une thématique plus resserrée autour de Munch et de la France. Il y a dix ans, c’est le Centre Pompidou qui avait proposé une approche de l’artiste moderne avec “Edvard Munch, l’œil moderne”, explique Claire Bernardi. Lorsque notre projet a été acté, nous avons présenté un synopsis avec le propos général, une première liste d’œuvres idéale et commencé à réfléchir aux axes du catalogue. Certes, l’ouvrage accompagne l’exposition, mais il est bien plus que cela. À travers les essais des commissaires et d’auteurs, il propose un reflet à l’instant T de l’avancée d’une pensée. Il a une vie tout à fait indépendante ! »
Munch et le récit de soi
« Parce qu’il ajoute le verbe à l’image, le catalogue traduit, interprète l’exposition et va au-delà ! » déclare, enthousiaste, la commissaire. Il apporte en effet un éclairage inédit et inattendu à la compréhension de l’artiste et de son œuvre.
Dans la première partie, consacrée aux essais, Claire Bernardi décrit comment Munch a participé à l’écriture de sa propre légende, dans le but « d’œuvrer pour sa postérité ». « On a pu parler, s’agissant de Munch, d’une politique d’expositions répondant à une stratégie. Cette représentation heurte la doxa de l’histoire de l’art […] d’un artiste isolé, maudit […], refusant toute activité marchande. » En homme d’affaires avisé, Munch crée ses propres « expositions portables, qui facilitent la diffusion et la promotion de son œuvre ». Dimension stratégique, préoccupation commerciale ? Sans doute s’agit-il surtout pour l’artiste « de garder le contrôle sur la présentation de ses œuvres […] et de défendre leur sens » (extraits du catalogue).
La seconde partie de l’ouvrage propose la reproduction d’œuvres de l’exposition. Certaines dialoguent dans un même chapitre, alors même qu’elles sont séparées dans l’espace muséal. « Le choix du séquençage des images est très différent dans le catalogue et dans le parcours, souligne Claire Bernardi. Le regard porté vers deux œuvres face à face dans un même espace n’est pas le même que celui qui glisse d’une page à l’autre.
Un des enjeux majeurs de ce catalogue était pour nous, les deux éditeurs, d’avoir un ouvrage avec une grande qualité visuelle. Nous avons travaillé avec le graphiste Pierre Péronnet, qui a répondu parfaitement à l’exigence d’un ouvrage original et intemporel. Munch est un artiste très fort, dont les œuvres sont parfois difficiles à reproduire. La gamme chromatique de ses œuvres, les différentes techniques utilisées et les différents supports rendent complexe le travail de reproduction. » Isabelle Loric, responsable de fabrication pour cet ouvrage, confie à son tour : « Le traitement des images a été soigné. Nous avons travaillé avec les photograveurs des Artisans du regard pour restituer au plus près la qualité des peintures sur toile, des peintures a tempera sur carton, des dessins et parfois même des lithographies de Munch. »
Mots de Munch
Pour aller plus loin encore et offrir une lecture intime de l’œuvre de l’artiste, les éditions du musée d’Orsay et GrandPalaisRmnÉditions ont travaillé sur la publication d’un petit livre, à petit prix (14,90 €). Construit autour de citations de l’artiste, Mots de Munch permet d’en comprendre les maux.
Claire Bernardi se souvient : « Nous avons proposé au musée d’Oslo de reprendre leur ouvrage qui rassemblait déjà des citations. Nous les avons modifiées et adaptées au public français, en conservant le cœur du propos. L’ouvrage, très visuel, fait parfaitement dialoguer le texte et l’image. »
Le catalogue Munch marque et honore la fin du parcours décennal de Claire Bernardi au musée d’Orsay en sa qualité de conservatrice. Aujourd’hui à la tête du musée de l’Orangerie, elle fait partie des 100 femmes de Culture élues cette année. Un titre qui reconnaît l’influence de son travail, de ses recherches et de ses valeurs… Une étape importante dans sa propre « frise de la vie ».