Écrite par et pour les conservateurs et les historiens, La revue est leur porte-voix depuis 1890. Référence des institutions muséales en France, elle touche aussi un public large de professionnels de l’art et d’amateurs éclairés. Véritable outil de communication et de diffusion de la recherche scientifique, cette publication rend compte des acquisitions, des événements et de l’actualité de tous les musées français, le Louvre n’en étant que le représentant le plus médiatique.
Nous rencontrons Muriel Bourel, responsable de l’édition de la revue, à l’occasion de la mise en place d’une nouvelle maquette.
L’organe de référence des musées, dès la fin du xixe siècle
1801. Face à l’impossibilité matérielle de conserver et de présenter à Paris l’ensemble des objets d’art et de culte confisqués à la Révolution, une partie des collections sont transférées vers quinze villes des régions de France en vertu de l’arrêté Chaptal. Les musées se multiplient alors sur le territoire, comme autant de symboles d’une culture pour tous. « Moraliser par l’instruction, charmer par les arts, enrichir par les sciences ! » martelait alors Edmond Groult, avocat français et fondateur des musées cantonaux.
C’est dans ce contexte muséal en plein développement, parmi une floraison éditoriale consacrée à l’histoire de l’art et à l’archéologie, que naît, en 1890, sous le patronage de la Direction des musées nationaux, Le Bulletin des musées, ancêtre de La Revue des musées de France. Revue du Louvre : organe de référence des musées, il se faisait déjà l’écho de leurs acquisitions et de leurs collections. Aujourd’hui, le trimestriel traite de l’actualité de plus de 1 200 « musées de France » labellisés.
Depuis plus de cent trente ans, malgré des changements de présentation, de format ou de titre, la publication a su préserver une continuité et reste le support référent des musées de France, le reflet de leurs recherches et de leurs évolutions.
À l’œuvre depuis plus de trente ans
Muriel Bourel travaille à l’élaboration des numéros depuis 1992. Elle se souvient : « Lorsque j’étais élève à l’École du Louvre, j’ai découvert la revue et elle est devenue une de mes références. J’allais la consulter régulièrement à la bibliothèque de l’École. J’ai suivi la spécialité archéologie, puis celle de muséologie, et lorsque j’ai dû chercher un stage, j’ai tout naturellement contacté la responsable de l’époque. Avant mes études à l’École du Louvre, j’avais suivi un cursus en lettres à la Sorbonne. J’aime raconter des histoires, sourit-elle. La publication alliait ainsi un idéal, l’écriture, à l’histoire de l’art. D’abord engagée en stage, j’ai été plus tard recrutée en tant que salariée. J’y suis depuis le 1er avril 1992 ! ». Comme un poisson dans l’eau, depuis trente ans, elle reçoit les sujets, les traite, les édite, se tient au courant de l’actualité muséale et sollicite les conservateurs et les historiens d’art.
« C’est une activité très dense. La publication, au contraire d’un magazine – qui est grand public –, est une revue qui obéit à une politique éditoriale très précise et comporte un contenu scientifique. Si le comité scientifique a voté en faveur de la modernisation de la maquette, il a cependant souhaité conserver la structure des trois rubriques du sommaire : les événements, les études et les expositions, qui sont autant de repères pour le lectorat, composé essentiellement d’habitués.
Avec ma collaboratrice, Marie-Thérèse Gaëtan, nous travaillons avec le graphiste Pierre Finot, qui a remporté l’appel d’offres pour la nouvelle maquette en 2022. Il l’a créée et en applique maintenant la charte. Les articles, que nous recevons ou que nous suggérons aux conservateurs et aux historiens de l’art, doivent rentrer strictement dans les 120 pages de la publication. Pas question d’en ajouter ou d’en supprimer. La revue n’a pas la souplesse que peut parfois offrir un catalogue, et nous devons veiller à l’équilibre du budget, la publication étant une mission de service public. »
Une transversalité unique
Aujourd’hui, quatre numéros paraissent par an et relatent la vie des musées. L’un des numéros consacre une page à la liste des mémoires soutenus à l’École du Louvre et à l’Institut national du patrimoine. Et un numéro annuel, le n° 2, est dédié exclusivement aux acquisitions, c’est-à-dire aux dons, aux achats, aux trésors nationaux et aux dations. « Je veille à ce que les articles et les photographies représentent tous les musées de façon équitable, avec un vrai équilibre dans les sujets et les époques traités », souligne Muriel Bourel. Et de fait, aucune autre revue scientifique ne propose une telle transversalité de contenus, de disciplines, de techniques et d’époques.
« À ma connaissance, ajoute-t-elle, une publication scientifique pointue qui balaie toutes les collections des musées de France, de la préhistoire à l’art contemporain en passant par l’ethnographie ou l’histoire naturelle, il n’en existe pas d’autre. Pour le numéro de décembre, le MUCEM propose par exemple un article sur le loukoum. Nous avons publié également un article sur la fabrication de la bière. Et dans celui de janvier 2022, les papillons du Muséum d’histoire naturelle de Troyes faisaient la couverture. »
La revue faite par et pour les conservateurs et les historiens d’art
« Je me bats pour que notre panel d’auteurs soit recruté parmi tous les musées. En fait, nous avons deux types d’auteurs : ceux qui se sont approprié la publication comme leur outil de travail et de communication et qui me proposent spontanément leurs textes. C’est un scénario idéal. Mais il y a aussi les autres auteurs : les conservateurs et historiens de l’art que je vais chercher. Là, il y a un vrai travail de prise de contact, de suggestions et d’écoute pour ajuster leurs contenus à la rubrique la mieux adaptée.
Je me rappelle un conservateur au Musée lorrain de Nancy qui m’avait soumis la fiche d’une acquisition très importante. Le sujet était intéressant, mais long en matière de signes : il était impossible de l’intégrer au numéro consacré aux acquisitions. Aussi, je lui ai proposé de l’adapter pour l’intégrer à une rubrique Événements : “Changez d’angle et passez sur un autre numéro avec plus de signes et plus de photos !” Il a été très satisfait. Mon rôle est d’orienter les contributeurs afin de mettre en valeur leurs textes. Je garde aussi en mémoire la fois où j’ai pris connaissance de la restauration du tableau Les Femmes d’Alger au musée du Louvre, avec beaucoup d’attention car j’aime beaucoup Delacroix. J’ai proposé au conservateur responsable de rédiger un article pour la revue. Et le sujet a fait la couverture du numéro 3 de cette année. »
La publication rend compte de l’actualité et des recherches des musées, en même temps qu’elle les nourrit. Muriel Bourel fait le vœu que « tous les conservateurs des musées de France, quelles que soient la taille de leur musée et leur spécialité, comprennent que c’est leur revue, qu’ils peuvent y publier leurs recherches et leurs collections. J’aimerais, poursuit-elle, qu’ils se l’approprient davantage en mettant en lumière leurs collections et leurs actions auprès de leurs confrères. Si des conservateurs sont freinés par le sous-titre Revue du Louvre ou par un manque de temps pour rédiger un texte, ils sont néanmoins de plus en plus nombreux à proposer un sujet. J’espère que ce mouvement ne fera que s’amplifier pour refléter encore mieux l’extraordinaire diversité des collections des musées français. »