Des tableaux, des citations et des poèmes mêlés composent la scénographie singulière qui s’ouvre au musée du Luxembourg. L’exposition « Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage » révèle la figure méconnue en France d’une écrivaine visionnaire, en s’intéressant à la genèse de son œuvre poétique, en dialogue avec le cubisme de Pablo Picasso, son ami et complice. Pour accompagner cette exposition « picto-littéraire », nos éditions réalisent un catalogue et un journal qui s’inspirent des écrits littéraires, dans leur fond comme dans leur forme.
« Pablo fait des portraits abstraits en peinture. J’essaie de faire des portraits abstraits avec mon médium, les mots », déclarait Gertrude Stein en 1945. La commissaire générale de l’exposition, Cécile Debray, éclaire cette démarche artistique parallèle : « Le propos est de montrer la radicalité commune à l’écriture steinienne, qui déconstruit et libère le langage, et au cubisme de Picasso, qui décompose le réel. Il s’agit de deux œuvres conceptuelles assez difficiles, presque hermétiques. Aussi, nous avons choisi de donner à lire cette écriture sur les murs, en plaçant des citations de l’autrice près des œuvres de Picasso et d’artistes qu’elle a influencés. »
A livre ouvert
Isabelle Loric, responsable de fabrication, poursuit : « Cécile Debray souhaitait un catalogue qui évoque les ouvrages de littérature, maniable à l’instar d’un livre ou encore d’un cahier d’écriture, plutôt qu’un coffee table book, un peu lourd et solennel. Nous avons choisi un format broché, souple, qu’on peut manipuler d’une main. La couverture du catalogue est imprimée sur un papier Tintoretto, teinté dans la masse, avec un titre sérigraphié, qui renvoie à l’aspect raffiné et élégant d’un beau livre-objet.
Pour rester dans l’univers littéraire, la couverture est enveloppée d’un très large bandeau collé au niveau du dos et des mors : ainsi, à l’inverse des bandeaux promouvant les œuvres littéraires, qui finissent le plus souvent dans la corbeille, celui-ci fait partie intégrante de la couverture ! Il réserve en outre une surprise : un portrait de mots glissé sur les rabats intérieurs. Ce bandeau devient le support du portrait de Gertrude Stein réalisé par Andy Warhol, qui illustre ce catalogue. »
Un journal littéraire
Le journal de l’exposition, imprimé, comme il se doit, sur du papier journal, apporte un angle nouveau. Il fait écho à l’essor de la presse à la fin du xixe siècle et aux relations étroites entre journalisme et milieu littéraire, de nombreux écrivains défendant leurs idéaux par la publication d’articles et de chroniques.
Entre long article de presse et récit fictionnel, il raconte, sous la plume éclairée de l’historienne de l’art et commissaire associée, Assia Quesnel, l’histoire de l’écrivaine à partir des différents lieux qui ont ponctué son existence et son parcours.
Une typographie « conçue pour le texte »
De Gertrude Stein à Pablo Picasso en passant par Paul Cézanne ou encore John Cage, le parcours expose de nombreux artistes. « Pour identifier la voix de Gertrude Stein comme fil conducteur, la police que nous avons choisie est évocatrice du travail d’auteur, précisent les graphistes, Lisa Sturacci et Pia Philippe. Le choix de la typographie Blanchard a été évident. Conçue pour le texte, elle est un “revivalˮ des typos du xixe siècle, qui s’inspiraient des anciennes lettres gravées ; elle a inspiré à son tour les typos qui ont servi aux machines à écrire. Pour les citations des autres artistes, pour les textes et pour les essais, nous lui avons opposé la typo Theinhardt, qui est un traitement très contemporain de la lettre, plus sobre, et qui se prête tout aussi bien aux artistes cubistes qu’aux artistes conceptuels et minimalistes américains influencés par l’art de Stein. Pour le journal de l’exposition, nous avons inversé le rapport puisque ce support est davantage consacré à la vie de l’écrivaine. L’adhésion du commissariat et de GrandPalaisRmnÉditions à notre proposition typographique a été immédiate. »
Les publications accompagnant « Gertrude Stein et Pablo Picasso. L’invention du langage » sont à la croisée de plusieurs enjeux ; ouvrages scientifiques, elles sont le reflet de la période de rupture dans l’histoire de l’art qui est au cœur de l’exposition. Ouvrages culturels, elles inscrivent dans la durée l’événement temporaire organisé par le musée du Luxembourg et le prolonge. Elles sont, enfin, de beaux livres d’art, l’aboutissement d’une création éditoriale et graphique soignée, portée par une équipe d’édition rompue aux exercices des mots de l’art et de l’art des mots.