Pour la première fois en France, plus de 100 œuvres de l’artiste brésilienne Tarsila do Amaral investissent les murs du musée du Luxembourg. Cette rétrospective inédite nous plonge au cœur du Brésil moderne. Un succès critique et public déjà au rendez-vous. Rencontre avec la commissaire générale, Cecilia Braschi, qui a donné vie à ce voyage artistique unique et qui a dirigé, avec notre maison d’édition, les trois ouvrages accompagnant l’exposition.
Tout juste sortie d’une visite privée de l’exposition, Cecilia Braschi nous conduit dans l’univers pastel de la boutique du musée. Rejointe par son amie, l’artiste brésilienne Val Souza qui participe à des rencontres organisées autour de l’exposition, nous les invitons toutes deux à poursuivre ce moment privilégié au café Angélina, qui jouxte le musée. Une parenthèse chaleureuse au cœur de l’effervescence de cette exposition très plébiscitée. Devant nos tasses fumantes d’un délicieux chocolat épicé, la conversation s’annonce riche et inspirante. Dans un élan de cordialité typiquement brésilien, le tutoiement s’installe naturellement.
Sur notre table, nous avons pris soin de déposer les éditions réalisées en collaboration avec Cecilia Braschi : le catalogue d’exposition, ouvrage officiel de référence et outil indispensable aux chercheurs et aux passionnés d’art, le carnet, coédité avec Gallimard, plus léger et accessible, et enfin, le journal de l’exposition, support atypique qui offre un regard inédit sur l’artiste et son actualité.
« Cette exposition est un événement majeur, souligne Cecilia Braschi. Il s’agit de la première véritable rétrospective de Tarsila do Amaral en France et aussi de la première publication de référence en français sur cette artiste, méconnue ici, alors qu’elle est très célèbre au Brésil. » Son œuvre reflète les mutations profondes de l’histoire et de la société brésiliennes au xxe siècle, et notamment de sa ville, São Paulo, qui passe alors d’une économie essentiellement agricole à une forte industrialisation urbaine, avec, pour toile de fond, de multiples métissages et contrastes culturels.
« J’avais à cœur de rendre accessible au public français la richesse des études déjà menées sur l’artiste au Brésil, mais aussi d’apporter une contribution originale depuis l’Europe, consciente que les points de vue diffèrent en fonction d’où l’on regarde les choses, explique la commissaire. D’origine italienne, je suis une Européenne blanche qui parle d’une artiste brésilienne blanche issue d’une classe aisée, qui a exprimé, de surcroît, l’ambition de représenter tous les composants de la culture brésilienne. Il y a là toute une stratification de lectures qu’il est intéressant d’interroger et de partager.»
Le catalogue, « élément central de ce projet éditorial »
« Il était important pour moi que le catalogue d’exposition se démarque de ce qui a déjà été publié au Brésil, tout en donnant la voix à des chercheurs brésiliens. Cet ouvrage constitue l’élément central de ce projet éditorial. Ma collaboration avec l’équipe de votre maison d’édition a été précieuse et enrichissante. Avec Léa Pietton, éditrice des trois ouvrages, nous avons soigneusement sélectionné les auteurs et autrices et adapté les contenus pour répondre aux attentes de chaque support éditorial. Son professionnalisme et son attention aux détails ont été remarquables. Et quelle rapidité pour se familiariser avec la culture brésilienne ! C’était impressionnant !
« L’intégralité des peintures et documents exposés est reproduite dans le catalogue. J’ai ajouté des œuvres complémentaires qui, quoique ne figurant dans l’exposition, étaient nécessaires à la compréhension de l’évolution artistique de Tarsila. En effet, ce catalogue a pour ambition d’être un ouvrage de référence, destiné à avoir une vie propre, au-delà même de l’exposition. Nous ne nous sommes pas senties contraintes par une fidélité exacte à l’exposition, bien que l’on retrouve dans le catalogue la totalité des thèmes qu’elle traite. La qualité de la photogravure, confiée aux Artisans du regard, est tout simplement exceptionnelle. Les photograveurs ont, grâce à leur savoir-faire, restitué fidèlement la richesse chromatique et la texture des œuvres originales ; j’ai adoré travailler avec eux.
« Votre choix des graphistes Wijntje van Rooijen et Pierre Péronnet a permis de donner une identité visuelle forte à la publication. Ce duo a apporté une touche d’originalité et de modernité à l’ouvrage. Il a su comprendre le propos scientifique et le traduire dans un style graphique personnel, avec cette couverture, notamment, singulière et inattendue. Ses choix audacieux dans la typographie et la composition reflètent bien la complexité et la richesse de l’œuvre de cette peintre avant-gardiste.
« Enfin, la fabrication du catalogue, réalisée avec le plus grand soin par Isabelle Loric, jusqu’au calage dans une imprimerie de qualité, en Italie, en fait un objet précieux que l’on a plaisir à toucher et à feuilleter. Pour le carnet, nous avons veillé à ne surtout pas dupliquer les contenus du catalogue. Nous l’avons structuré autour de quelques thématiques. Les images, sélectionnées avec soin, sont parfaitement adaptées au format compact du carnet. Certaines, déployées sur des doubles-pages, offrent un panorama saisissant. Le contenu est condensé, mais préserve l’essence de l’exposition.
« Dans le cas du Journal de l’exposition, au départ, je ne connaissais pas cet objet éditorial singulier ! Pour cet exercice, Sophie Laporte, votre directrice, a proposé une approche originale, en invitant un anthropologue. Elle m’a suggéré le nom de Leandro Varison, anthropologue et chercheur au musée du quai Branly, qui nourrit une conversation féconde avec l’artiste autochtone d’Amazonie Denilson Baniwa. Cela a permis d’établir un dialogue passionnant et très actuel avec l’œuvre de Tarsila do Amaral. Figure de proue de l’art « anthropophage », elle aurait « cannibalisé » toutes les cultures locales et étrangères pour les incorporer dans son œuvre. À son tour, cet artiste contemporain propose de redévorer la proposition de Tarsila, cent ans plus tard ! Ce regard croisé m’a inspiré le texte « Tarsila, le Brésil et les Brésiliens ». J’y interroge la construction d’un Brésil métissé idéalisé par l’artiste et les enjeux identitaires qui en découlent. Ce texte s’inscrit dans l’actualité des débats culturels brésiliens et propose une lecture contemporaine de l’œuvre de Tarsila do Amaral. »
Fruit d’une collaboration étroite avec Cecilia Braschi, cette proposition éditoriale offre des supports parfaitement complémentaires pour explorer l’œuvre singulière de Tarsila do Amaral : un catalogue solide et érudit, un carnet pédagogique pour un public plus large, et un journal qui ancre l’artiste au cœur de l’actualité brésilienne. Ce triptyque éditorial ne se contente pas d’accompagner la première rétrospective de l’artiste en France : elle marque l’entrée définitive de Tarsila do Amaral dans le paysage artistique français et lance la saison croisée Brésil-France 2025.