L’artiste Hervé Tullet ne se contente pas d’imaginer des livres, il crée des objets iconoclastes qui bousculent l’édition et invitent chacun à devenir un créateur. Du surprenant Machin à dessiner, clin d’œil aux machines folles de Jean Tinguely, à l’intimité créative de l’album J’aime bien, l’artiste défie les conventions pour nos éditions. C’est l’histoire que nous raconte Isabelle Bézard, éditrice d’Hervé Tullet depuis plus de vingt ans.
Le Machin à dessiner et J’aime bien libèrent le geste !
« Le Machin à dessiner est un clin d’œil aux Méta-Matics de Jean Tinguely, explique Isabelle Bézard. Votre directrice, Sophie Laporte, a, en effet, d’abord contacté Hervé Tullet pour lui proposer de créer un ouvrage qui accompagnerait l’exposition du Grand Palais “Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely, Pontus Hulten”. Et de là sont nés deux projets ambitieux qui s’affranchissent des formats traditionnels.
« Hervé Tullet cherche souvent à provoquer le geste de dessiner au moyen d’objets inattendus. Dans Le Machin à dessiner, vous ne trouverez pas d’histoire ni de personnages : c’est à vous de créer votre univers !
« Le Machin se veut un outil à dessin. Doté de trois bras mobiles et proposant de multiples pochoirs, contours et formes, il invite immédiatement à l’action. Il suffit de s’en emparer pour que l’imaginaire s’ouvre et s’exprime dans une forme artistique brute et spontanée.
« Mon implication dans le projet Le Machin à dessiner a été immédiate. Je suis l’édition des livres d’Hervé Tullet depuis de très nombreuses années, une collaboration commencée lorsque je dirigeais les collections de la petite enfance chez Bayard.
« Suite au succès du Machin, et comprenant le fort intérêt de votre maison pour la philosophie d’Hervé Tullet, nous vous avons présenté un projet plus personnel : J’aime bien. Dans ce livre, Hervé Tullet révèle sa pratique artistique intime. Il expose ses propres carnets pour inviter chacun à s’en inspirer et à laisser libre cours à sa propre créativité. Il s’adresse à un public large – parents, enseignants, éducateurs ou toute personne cherchant à créer, même sans formation.
« J’aime bien n’est autre qu’un répertoire de gestes modestes – tracer des lignes, dessiner des ronds – qui sont comme autant de points de départ. Le message est simple : “L’art est avant tout un geste que l’on investit pleinement. Vous voulez dessiner ? Commencez par un point, une ligne, un mouvement simple.”
Sans ordre ni pagination, ce livre est une invitation directe à l’action. J’espère qu’il deviendra un mémento qui donnera à chacun le courage de se lancer et d’y trouver du plaisir. »
Carte blanche
« Les éditions GrandPalaisRmn sont une très belle maison, poursuit Isabelle Bézard. Dès le départ, Sophie Laporte a parfaitement compris que le désir d’Hervé Tullet est d’éveiller l’artiste en chacun de nous. Elle a fait ce que peu d’éditeurs osent : lui laisser carte blanche. Le Machin à dessiner est le fruit direct de cette confiance.
« Toute l’équipe a joué le jeu ! Ensemble, avec Isabelle Loric, votre responsable de fabrication, qui s’est passionnée pour le projet, nous avons cherché des solutions ingénieuses afin de donner vie à cette machine à dessiner. Il fallait un papier ultrarésistant, des rivets pour l’esprit mécanique, et une pochette suffisamment large pour contenir les éléments mobiles et transformer cet objet inclassable en réalité tangible.
« Notre enthousiasme a été tel qu’il a contaminé la librairie du Grand Palais. Dans un élan à la mesure de l’audace du projet, l’équipe commerciale a fait du machin une véritable sculpture : elle a construit un machin à dessiner géant, qui trône, bien visible, à l’entrée de la boutique principale : un signe que l’équipe a adopté notre démarche !
« Et pour J’aime bien (en coédition avec Bayard Jeunesse), le GrandPalaisRmn a poussé l’expérience créative encore plus loin en proposant des carnets en boutique pour prolonger le geste artistique. »
Une « famille créative » au service du geste
En accueillant l’audace de cet artiste, notre maison d’édition a fait le pari de la confiance et de la complicité.
Isabelle Bézard souligne, en effet, qu’Hervé Tullet a travaillé sur ces deux ouvrages avec des collaborateurs auxquels il est lié de longue date : « Il a tenu à être entouré de son équipe rapprochée : sa graphiste, Sandrine Granon, son photographe, Léo Tullet – qui est aussi son fils –, et moi-même formons une véritable famille créative ; nous connaissons son univers depuis plus de vingt ans ! »
Sandrine Granon maîtrise ainsi parfaitement le vocabulaire graphique et typographique de l’artiste, que l’éditrice nous décrit à grands traits : « Un lettrage manuscrit, des taches de couleur, des éclaboussures, un papier épais et solide, un côté fait main : tous ces indices sont là pour communiquer une complicité avec le lecteur, la marque de fabrique de l’univers Tullet.
« Léo Tullet, qui travaille au plus près d’Hervé, a réalisé les photographies dans l’intimité de l’atelier de l’artiste, saisissant gestes et carnets sous son objectif.
« Notre processus de travail est un véritable « ping-pong » créatif : chacun rebondit sur les idées des autres. Derrière Le Machin à dessiner et J’aime bien se cache une aventure humaine, fidèle et profonde, qui s’engage à rendre l’art accessible à tous. »
Du livre au Grand Palais
Les aventures d’Hervé Tullet ne s’arrêtent jamais à la dernière page. Artiste traduit dans le monde entier, il est aussi un performeur qui fait de la création un événement mondial. De l’Afrique aux États-Unis en passant par le Japon, il voyage sans cesse pour animer des ateliers qui se concluent toujours par une grande œuvre collective.
Imaginez : quelques couleurs, un mégaphone, des centaines d’enfants qui dessinent, changent de place, crient et jettent des pinceaux dans un joyeux chaos. Sous la supervision attentive d’Hervé Tullet, les artistes en herbe se lâchent.
Cette philosophie de l’action, de l’art brut et du partage, il l’a portée jusqu’à la scène, avec Chorégraphiques, un spectacle vivant collaboratif au théâtre de la Colline.
Le 11 octobre, Hervé Tullet animera un grand workshop réunissant 250 enfants au cœur du Grand Palais. En éditant son travail, nous intégrons sa philosophie au sein même de l’écosystème GrandPalaisRmn. Du livre à l’objet, de l’édition à l’événement : la boucle est bouclée, scellant notre pari commun sur une créativité vivante et rassembleuse.