Nos éditions publient le quinzième catalogue raisonné en ligne : Étoffes. Catalogue des tissus du musée national de la Renaissance – château d’Ecouen (du xvi-xviiie siècle). Rencontre avec Thomas Bijon, responsable du numérique de GrandPalaisRmnÉditions, dont la pratique éditoriale, depuis plus de vingt ans, consiste à valoriser et à rendre accessibles et cohérentes les données de la recherche. Entre arts, sciences et curiosités…
Depuis leur origine, dans les années 1930, GrandPalaisRmnÉditions ont pour mission de documenter scientifiquement les collections nationales dans des catalogues « sommaires » ou « raisonnés », à travers une compilation méthodique et descriptive des objets d’art abrités par les musées nationaux.
Aujourd’hui, ces publications ont considérablement évolué. Tout en restant l’inventaire exhaustif des connaissances sur une collection, elles touchent un public plus large grâce à leur mise à disposition gratuite sur le Web. Outre des essais et du matériel critique, elles proposent, grâce à la puissance des outils numériques, des axes d’exploration inédits.
Les révolutions du numérique
Le passage du papier à la publication en ligne a permis d’atteindre de nouveaux publics, d’offrir un accès gratuit à la connaissance et de proposer un espace d’expression sans limites aux auteurs.
« Nos catalogues, bien que pensés et conçus pour la communauté scientifique, sortent des bibliothèques universitaires par leur mise en ligne et la capacité du Web à lever les barrières et à supprimer les distances. On imagine bien à travers l’audience de nos sites, qui varie entre 5 000 et 30 000 consultations annuelles, que nous captons aussi bien des spécialistes que des étudiants, des amateurs et, dans certains cas, le grand public, souligne Thomas Bijon. Les statistiques de consultation nous informent également que nos lecteurs proviennent des cinq continents. C’est une grande satisfaction pour nous, car, au début des années 2000, lorsque nous avons fait le pari du passage au numérique, notre motivation était celle, inscrite dans notre mission de service public, de renforcer la diffusion des connaissances sur les collections des musées. »
Parce que la page dématérialisée offre un espace infini, les auteurs – en l’occurrence, les universitaires et les conservateurs des musées – peuvent s’exprimer de la façon la plus exhaustive possible sur leurs collections, mettre à jour les connaissances selon les avancées de la recherche et occuper tout l’espace qui leur est nécessaire, pour les textes comme pour les images.
« Dans le cas du Catalogue des sculptures des jardins de Versailles et de Trianon, par exemple, il y a plus de 4 000 images. Ce volume d’images est impensable dans une publication imprimée, ou alors en toutes petites vignettes et en noir et blanc. Or les photographies de notre catalogue en ligne sont en couleur, respectent l’intégrité des œuvres, tout particulièrement leur colorimétrie, avec une bonne définition, suffisante pour zoomer et saisir les détails des objets. »
Du manuscrit à l’édition numérique
Les musées nationaux bénéficient aujourd’hui d’un dispositif éditorial qui leur permet de publier leurs recherches sur les collections avec davantage de textes et d’images. « Ce sont les musées, représentés par l’un de leurs conservateurs, qui nous consultent et soumettent leur projet, précise Thomas Bijon. Un comité scientifique, constitué de pairs de différentes institutions, juge ensuite de la pertinence du dossier et veille à assurer une répartition équilibrée entre établissements. Une fois le projet validé, nous intervenons pour l’édition du catalogue. ».
Construits autour d’une base de données qui répertorie et classifie les objets d’art d’une collection, les catalogues scientifiques en ligne dépassent la simple accumulation de notices en développant, dans des essais pouvant explorer divers axes, un propos structuré et cohérent autour des rapports qui, liant les objets entre eux, font collection. Un catalogue est « un outil fondamental […], fruit d’un travail de recherche colossal effectué par un conservateur. Il représente l’aboutissement de plusieurs années d’étude et laisse une trace dans l’histoire de l’art. C’est pourquoi nous nous attachons à mettre au service du manuscrit que nous recevons tous les savoir-faire de notre maison d’édition, souligne Thomas Bijon. Les textes sont lus, relus et corrigés par un correcteur qui veille au bon usage orthographique, grammatical, syntaxique, au respect des règles typographiques et à la cohérence du contenu. Nous installons ensuite un dialogue constructif avec l’auteur pour réaliser les index et le moteur de recherche, deux éléments éminemment techniques lorsqu’il s’agit d’édition numérique, mais qui ne peuvent se construire précisément qu’en ayant une connaissance scientifique pointue de la matière éditoriale. Vient ensuite l’étape finale, celle des développements informatiques, que nous réalisons sur mesure pour que le catalogue corresponde exactement au regard que porte l’auteur sur la collection étudiée. Nous mettons un point d’honneur à mettre l’outil au service du propos et pas, comme c’est souvent le cas en informatique, l’homme au service de la machine ! »
Les bénéfices du numérique ne s’arrêtent pas à la publication, car, une fois mis en ligne, ces catalogues ne restent pas figés : ils reflètent l’évolution de la collection qui leur est attachée et s’enrichissent des connaissances actualisées par les équipes de conservation. Il n’est qu’à citer le Catalogue des sculptures des jardins de Versailles et de Trianon, qui nécessite de fréquentes mises à jour. Les œuvres des jardins semblent solides et immortelles, maintenues en bon état par les soins réguliers qui leur sont prodigués par l’équipe de Versailles. Pourtant, exposées en plein air depuis leur installation sous le règne de Louis XIV, elles s’abîment et se fragilisent. Des déplacements, des moulages et des actions de mise à l’abri sont régulièrement nécessaires : ce sont autant de données à actualiser qui font évoluer l’édition en ligne plusieurs fois par an. Ces publications dynamiques, à la croisée des mondes artistique et scientifique, reflètent en temps réel les évolutions du patrimoine national.