DESSINS DE RAPHAËL DU MUSÉE DE LILLE : ESSAI DE LECTURE Cordélia Hattori
Le musée des Beaux-Arts de Lille conserve l’extraordinaire collection de dessins de Jean-Baptiste Wicar (1762-1834). L’artiste s’avéra un amateur exigeant et l’on compte parmi les mille trois cents feuilles illustrant les écoles européennes du xive au xixe siècle un exceptionnel ensemble de dessins par Raphaël. Ces œuvres ont été à plusieurs reprises étudiées et publiées. Cordélia Hattori en précise aujourd’hui tout l’intérêt.
Raffaello Santi est né à Urbino en 1483 et est décédé à Rome en 1520. De fin 2019 – Covid oblige – jusqu’en 2022, les 500 ans de sa disparition ont été célébrés en Italie et en Angleterre, ainsi qu’à Bayonne et au château de Chantilly11Voir les catalogues d’exposition publiés à partir de 2017 pour les célébrations : Catherine Whistler, Ben Thomas, Achim Gnann, Angelamaria Aceto (dir.), Raphael. The Drawings, Oxford, The Ashmolean Museum, 1er juin-3 septembre 2017 ; Achim Gnann (dir.), Raphael, Vienne, Albertina Museum, 29 septembre 2017-7 janvier 2018 ; Barbara Agosti, Silvia Ginzburg (dir.), Raffello e gli amici di Urbino, Urbino, Galleria Nazionale delle Marche, Palazzo Ducale, 3 octobre 2019-19 janvier 2020 ; Marzia Faietti, Matteo Lafranconi, Francesco P. Di Teodoro, Vincenzo Farinella (Presidente del Comitato scientifico : Sylvia Ferino-Pagden), Raffaello 1520-1483, Rome, Scuderie del Quirinale, 5 mars-2 juin 2020 ; Mathieu Deldicque, Raphaël à Chantilly. Le maître et ses élèves, Chantilly, musée Condé, Cabinet d’arts graphiques, 7 mars-5 juillet 2020 ; Benjamin Couilleaux, Raphaël à Bayonne. Le maître, ses élèves, ses copistes dans les collections du musée Bonnat-Helleu, Bayonne, musée Bonnat-Helleu, 19 septembre-4 octobre 2020 ; Angela Cerasuolo et Andrea Zezza (dir.), Raffaello a Capodimonte. L'officina dell'artista, Naples, Museo di Capodimonte, 10 juin-13 septembre 2021 ; Marica Mercalli et Laura Teza (dir.), Raffaello giovane a Città di Castello e il suo sguardo, Città di Castello, Palazzo Vitelli alla Cannoniera-Pinacoteca comunale, 30 octobre 2021-9 janvier 2022 ; David Ekserdjian, Tom Henry, Matthias Wivel, Raphael, Londres, The National Gallery, 9 avril-31 juillet 2022. Nous ne mentionnons pas ici les publications anciennes qui figurent déjà dans les rubriques bibliographiques de toutes ces références, sauf exception.. Le palais des Beaux-Arts de Lille conserve un exceptionnel fonds de dessins de Raphaël, sur lequel nous avons souhaité nous pencher plus en détail en vue de l’exposition programmée en octobre 2024 sur l’artiste22Expérience Raphaël, Lille, Palais des Beaux-Arts, 18 octobre 2024-17 février 2025, commissaires Cordélia Hattori et Régis Cotentin, un catalogue paraîtra en octobre 2024. . À l’occasion de cette étude, nous avons pu remarquer plusieurs éléments sur quelques-unes des feuilles de cette collection, pour lesquels des questions restent encore en suspens. Cette étude vise à attirer l’attention sur certains de ces points.
Des détails qui interrogent
Le dessin préparatoire à San Nicola da Tolentino combattant le démon est célèbre à juste titre. Il est en effet le seul dessin d’ensemble en relation avec le tableau d’autel destiné à la chapelle Baronci de l’église Sant’Agostino à Città di Castello, commandé en 1500 au très jeune Raphaël. La date de la commande, connue par des documents d’archives33John Shearman, Raphael in early modern sources (1483-1602), New Haven et Londres, 2003, 2 vol. (voir vol. 1, 1500/2 et 1501/1, p. 71-75)., marque un très important repère chronologique dans l’œuvre du maître, dont les premières années – et même certaines des suivantes – restent encore méconnues. Le tableau ayant été en grande partie détruit lors d’un tremblement de terre en 1789, le dessin est le seul témoignage des intentions initiales du peintre, bien qu’une copie partielle, réalisée par Ermenegildo Costantini en 1789, postérieurement à la catastrophe, serve de support pour la reconstitution du retable44Le tableau d'Ermenegildo Costantini est conservé à la Pinacoteca comunale, Città di Castello, huile sur toile, H. 3,10 ; L. 1,76.. D’autres fragments de Raphaël ont permis toutefois de se faire une idée des figures qui devaient être peintes sur ce tableau d’autel55Nous souhaitons ajouter aux recherches déjà effectuées une remarque sur la similitude entre l'ange situé à gauche au premier plan sur le dessin de Lille et le personnage situé à droite à l'arrière de la composition, entre le personnage agenouillé et celui qui s’enfuit, en sens inverse, dans Le Miracle de saint Jérôme de Raphaël (huile sur bois, H. 0,23 ; L 0,41, Raleigh, Museum of North Carolina, inv. 65.21.1), l'une des prédelles de la Crucifixion Mond (vers 1502, huile sur bois, H. 2,79 ; L. 1,66, Londres, The National Gallery, inv. NG3943). Les deux anges de droite sont également proches du groupe de femmes situé à droite dans La Présentation au temple (tempera sur bois transféré sur toile, H. 0,27 ; L 0,50, Rome, musées du Vatican, inv. 40335), l'une des prédelles de la Pala Oddi. Ces deux œuvres, postérieures à la Pala Baronci, sont datées vers 1502-1503..
Fig. 1. Raphaël. Étude pour San Nicola da Tolentino combattant le démon (Pala Baronci), verso. Pierre noire, plume et encre brune. H. 0,394 ; L. 0,263. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 475.
Fig. 2. Détail de la fig. 1, en haut à gauche : les oiseaux.
Nous ne nous attarderons pas sur la composition et les propositions de restitution de l’ordonnance du retable, mais sur les motifs qui figurent au verso de la feuille (fig. 1), en premier lieu sur les croquis d’animaux, tête-bêche, exécutés à la plume et à l’encre brune (fig. 2). L’identification des oiseaux d’eau n’est pas aisée, mais on distingue quatre espèces différentes. L’un, proche d’une cigogne ou d’un héron, devant lequel se dresse un serpent, semble assis sur un nid66Dominique Cordellier (échange oral du 23 juin 2023) suggère qu'il pourrait s'agir d'un phénix sortant des flammes, mais ses ailes ne sont pas déployées et son bec est long et fin.. Les autres oiseaux pourraient être un cygne, une oie et un butor, ce qui reste à confirmer. La ou les sources de ces croquis ne sont pas encore identifiées. On peut se demander s’ils ont été tracés d’après nature, pour certains, d’après un bas-relief, d’après des motifs décoratifs, d’après une peinture, voire d’après un autre dessin, à moins qu’ils ne résultent d’une invention de l’artiste. Rappelons qu’en 1500, Raphaël – venu d’Urbino où il est né et a grandi au milieu des peintures de l’atelier de son père – est réputé se trouver à Città di Castello, en raison de la commande de ce tableau d’autel. Si ces animaux ont bien été signalés par des chercheurs depuis longtemps, Anna Forlani Tempesti, dès 1968, puis à nouveau en 198377Anna Forlani Tempesti, « I Disegni », dans Luisa Becherucci, Alessandro Marabottini, Anna Forlani Tempesti, Giuseppe Marchini, Raffaello. L'opera, La Fonti, La Fortuna, Istituto Geografico di Agostini, Novara, 2 vol., 1968, vol. 2, p. 307-430, plus particulièrement p. 316 : « Ma è anche da notarvi un'evidente conoscenza dell'arte fiorentina, intorno al Verrocchio e al Pollajolo e soprattutto a Leonardo (a questo direttamente richiama il gruppo degli animali sul verso del foglio di Lille), che, se poteva esser fornita al Sanzio dalle esperiense del Perugino, autorizza però anche l'ipotesi, autorevolmente avanzata, di altri viaggi di Raffaello a Firenze avanti al 1500, al segito del maestro, prima di quello certo del 1504 » [« Mais il faut aussi noter une connaissance évidente de l’art florentin, autour de Verrocchio et de Pollajolo, et surtout de Leonardo (le groupe d’animaux au verso de la feuille de Lille le rappelle directement), qui, si elle a pu être fournie à Raphaël par le biais du Pérugin, autorise également l’hypothèse, avancée avec assurance, d’autres voyages de Raphaël à Florence avant 1500, à la suite du maître, avant la date avérée de 1504 »]. Anna Forlani Tempesti, dans son ouvrage Raffaello. Disegni, Florence, 1983, reprend une hypothèse développée par Roberto Longhi dans son article « Percorso di Raffello Giovine », Paragone, 6, 1955, no 65, p. 8-23 : no IV : « Gli studi di uccelli in controverso, a penna, sono di chiara ispirazione leonardesca (se non già dal cigno della Leda che Leonardo pare aver progettato nel secondo soggiorno fiorentino, certo da disegni naturalistici di sua mano) e potrebbero aggiungersi agli altri elementi che fanno supporre un precoce soggiorno del Sanzio a Firenze ») : [« Les études d’oiseaux au verso, à la plume, sont clairement inspirées de Léonard (si ce n’est déjà du cygne de Léda que Léonard semble avoir conçu lors du second séjour florentin, certainement à partir de dessins naturalistes de sa propre main) et pourraient être ajoutées aux autres éléments qui suggèrent un séjour précoce de Raphaël à Florence »]., remarquait que ces croquis à l’encre brune faisaient penser à des dessins naturalistes de Léonard de Vinci, et qu’ils étaient connus de Raphaël peut-être par le biais du Pérugin. Sa remarque n’a pas été reprise et les dernières publications s’arrêtent peu sur ces motifs, il est vrai secondaires par rapport au sujet du dessin. Paul Joannides, en 1983, indique qu’il pourrait s’agir de motifs de broderie88Paul Joannides, The Drawings of Raphael. With a Complete Catalogue, Oxford, 1983, no 4, p. 40.. Tom Henry les signale aussi, en 2004, et émet l’hypothèse qu’ils pourraient avoir pour source, soit des éléments de broderie, soit des motifs appartenant au décor peint par Le Pérugin au Collegio del Cambio à Pérouse, reprenant l’hypthèse formulée dans l’exposition de Paris en 198399Voir Françoise Viatte et Catherine Goguel (dir.), Raphaël dans les collections françaises, cat. exp., Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 15 novembre 1983-13 février 1984, p. 165-166, no 2 ; Hugo Chapman, Tom Henry, Carol Plazzotta (dir.), Raphael from Urbino to Rome, cat. exp., Londres, National Gallery, 20 octobre 2004-16 janvier 2005, no 17, note 1., mais aucun ne correspond précisément. Paul Joannides, en 2009, suggère cette fois qu’il pourrait s’agir de motifs destinés à une tapisserie pour laquelle Raphaël aurait, dès cette période, exécuté des cartons1010Paul Joannides, dans Lorenza Mochi Onori (dir.), Raffaello e Urbino, cat. exp., Urbino, Galleria Nazionale delle Marche, 4 avril-12 juillet 2009, no 57, considère qu’ils n’ont pas été exécutés d'après nature.. Si aucun dessin connu de Léonard de Vinci ne paraît pouvoir être rapproché de ces croquis de Raphaël – à l’exception peut-être des oiseaux du Ravin1111Léonard de Vinci, Un Ravin, vers 1482-1485, plume et encre brune, H. 0,22 ; L. 0,158, inv. RCIN 912395, Londres, Windsor Castle, The Royal Collection. H.M. King Charles III 2023. –, la technique et le regard naturaliste dont ils témoignent peuvent s’inspirer de dessins qu’aurait pu réaliser Léonard. Cependant, à cette date, Raphaël n’est pas censé avoir déjà eu accès aux œuvres originales de Léonard, à moins que ces dessins à la plume n’aient été tracés un peu plus tardivement, comme le suggère Tom Henry, mais sans certitude. L’hypothèse d’un séjour précoce de Raphaël à Florence avant 1504 a été formulée de longue date par les chercheurs1212Voir notamment Dominique Cordellier et Bernadette Py, Raphaël, son atelier, ses copistes. Musée du Louvre. Musée d'Orsay. Département des Arts graphiques. Inventaire général des dessins italiens. V., Paris, 1992 (en particulier de la page 3 à la page 28) ; John Shearman, « On Raphael's Chronology, 1503-1508 », dans Victoria von Flemming, Sebastian Schütze (éd.), Ars naturam adiuvans. Festschrift für Matthias Winner zum 11. Marz 1996, Mainz am Rhein, 1996, p. 201-207 ; cat. exp., Naples, 2021, cit. n. 1, et cat. exp., Città di Castello, 2021-2022, cit. n. 1. et la question mérite d’être posée à nouveau. Pourrait-il s’y être rendu beaucoup plus tôt, pour un court séjour, vers 1500, alors que Léonard de Vinci était revenu s’installer dans cette ville . Une autre hypothèse pourrait être la présence de dessins de Léonard à Pérouse ou à Città di Castello auxquels Raphaël aurait pu avoir accès. Cependant, cela nous semble peu probable, et aucun témoignage ne vient le corroborer. La circulation des dessins, du vivant des artistes, reste difficile à déterminer.
Un autre croquis, sur l’une des feuilles de Lille, interroge également. Au verso de l’un des dessins préparatoires au Couronnement de la Vierge1313Couronnement de la Vierge, huile sur bois transposée sur toile, H. 2,67 ; L. 1,63, Rome, musées du Vatican, inv. 334. (Pala Oddi, musées du Vatican) se trouvent deux études de draperies. À côté de ces études est rapidement dessiné à la pierre noire un petit cavalier tenant une lance (fig. 3) qui a pu être identifié comme saint Georges, mais avec des réserves auxquelles nous adhérons1414Voir cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 8, p. 191-192, no 27 ; et Paul Joannides, Raphaël et son temps. Dessins du palais des Beaux-Arts de Lille, cat. exp., Lille, Palais des Beaux-Arts, mai-juillet 2003, p. 108-111, no 23.. En effet, lorsque nous observons ce cavalier miniature, il peut évoquer les figures dessinées par Léonard de Vinci pour ses recherches sur un sujet de bataille, en particulier la Bataille d’Anghiari1515Voir notamment les dessins suivants : Léonard de Vinci, Escarmouche entre des cavaliers et des hommes à pied, plume et encre brune, H. 0,164 ; L. 0,152, Venise, Galleria dell'Accademia, inv. 215, et Bataille pour l'étendard au pont, plume et encre brune, H. 0,099 ; L. 0,141, Venise, Galleria dell'Accademia, inv. 216., bien que le croquis de Lille, à la pierre noire, soit un peu plus schématique. Les premières études dessinées de Léonard dateraient de 1503. La Pala Oddi est datée de 1502-1503 et un dessin conservé à l’Ashmolean Museum d’Oxford confirme que Raphaël a bien étudié les dessins de Léonard pour cette composition1616Raphaël, Études pour la Trinité de San Severo et croquis d'après Léonard, vers 1505-1507, pointe de métal et rehauts de blanc sur papier préparé, H. 0,211 ; L. 0,274, Oxford, The Ashmolean Museum, inv. WA 1846.176., mais à une date plus tardive, ce dernier dessin étant daté vers 1505-1507.
Fig. 3. Raphaël. Étude de draperie pour le Couronnement de la Vierge (Pala Oddi), et cavalier, verso. Détail du cavalier en bas. Pierre noire. H. 0,336 ; L. 0,192. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 483.
Ces parentés thématiques avec Léonard sont également visibles sur un autre dessin des collections lilloises : au verso du raffiné dessin préparatoire pour les anges musiciens (fig. 4), exécuté à la pointe de métal sur un papier préparé rosâtre, toujours pour la Pala Oddi, figure un motif manifestement d’une autre main, qu’on peut dater plus tardivement, dans les années 1540. La main de l’artiste qui a exécuté ce dessin représentant un riche ensemble décoratif, ainsi que sa destination, n’ont pas été formellement identifiées1717Voir Joannides, cat. exp., Lille, 2003, cit. n. 13, note 12, no 20b (Perino del Vaga ?), et Michiel C. Plomp, « The recto/verso enigma: Workshop drawings on the verso of autograph sheets by Raphael », dans Joachim Jacoby, Martin Sonnabend (dir.), Raffael als Zeichner/Raphael as draughtsman – Die Beiträge des Frankfurter Kolloquiums, Francfort, Städel Museum, 2015, p. 119-132, plus particulièrement p. 122.. Nous notons cependant que ce motif se rapproche du type des compositions peintes dans la Salle des Grisailles, ou Chambre des Palefreniers, au Vatican, d’après des dessins de Raphaël – mais la salle a été modifiée en 1583 –, même si le sujet central, apparemment d’inspiration mythologique, est sans relation avec l’iconographie retenue pour cette Chambre. Il est également proche, par la richesse et la structure des ornements encadrant la scène, des pages enluminées inventées par Giulio Clovio pour le livre d’heures à l’attention du cardinal Alessandro Farnese entre 1537 et 15461818Ce livre d'heures est conservé à New York, Pierpont Morgan Library, M 69. L'iconographie est bien sûr religieuse., bien qu’il s’en éloigne par le sujet.
Fig. 4. Anonyme. Étude de décoration, visage de profil et œil. xviesiècle. Plume et encre brune, lavis brun, sanguine. H. 0,20 ; L 0,223. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 492.
Mais attardons-nous sur les deux croquis à la sanguine, que nous découvrons accolés à cet ensemble décoratif, et a priori sans aucun lien avec lui : un profil de tête féminine et un œil. Ce type de profil se retrouve dans plusieurs études de Léonard, et, plus particulièrement, dans la feuille d’études avec une Vierge à l’enfant avec saint Jean-Baptiste enfant et des études de têtes conservée au château de Windsor1919Voir notamment Léonard de Vinci, Études de figures, plume et encre brune, H. 0,405 ; L. 0,29, Londres, Windsor Castle, The Royal Collection H.M. King Charles III, inv. RL 12276., bien qu’en sens inverse. Ce motif figure également sur une feuille d’études de Léonard conservée à la National Gallery de Washington2020Léonard de Vinci, Feuille d'études, 1470-1480, plume et encre brune sur pointe de plomb et stylet, H. 0,164 ; L. 0,139, Washington, The National Gallery of Art, inv. 1991.217.2.a.. Ces dessins peuvent aussi avoir été exécutés d’après des études de Michel-Ange et de ses élèves, comme deux feuilles conservées à Oxford le montrent, en particulier pour l’œil2121Carmen C. Bambach, « Drawings Lessons », dans Carmen C. Bambach (dir.), Michelangelo. Divine Draftsman & Designer, cat. exp., New York, The Metropolitan Museum of Art, 13 novembre 2017-12 février 2018, p. 13-135, plus particulièrement p. 132 et 135, pl. 113 et 114.. Il faut néanmoins préciser que ce genre d’étude n’est pas propre à Léonard ou à Michel-Ange. En effet, parmi les dessins de la main de Raphaël, nous trouvons des études de profils, dont celui d’une jeune femme en buste et de son visage au verso, conservé à Florence, dont, il est vrai, l’attribution a été discutée2222Voir en dernier lieu, cat. exp., Città di Castello, 2021-2022, cit. n. 1, no 30. Raphaël, Buste de jeune femme de profil (recto), pierre noire, plume et encre brune, rehauts de blanc, stylet, et Profil de femme (verso), plume et encre brune, vers 1502-1503, H. 0,254 ; L. 0,16, Florence, Gabinetto Disegni e Stampe degli Uffizi, inv. 57 E. Cette étude est peut-être réalisée d'après une sculpture. L'attribution du verso est discutée.. Que peut-on en conclure ? L’œil et le profil semblent être d’une autre main, encore différente de celle du décor (fig. 4), et il n’est pas possible de savoir à quel moment ils ont pu être dessinés. Ils peuvent avoir été faits à Pérouse, à Florence comme à Rome. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’outre le fait que Raphaël connaissait l’art de Léonard et de Michel-Ange et qu’ils l’ont influencé, comme cela a été démontré depuis longtemps, lui-même et ses collaborateurs ont pu avoir accès à des dessins, ou à des carnets du premier, peut-être beaucoup plus tôt qu’on ne l’avait supposé, et cette probabilité encouragerait de nouveau à penser que Raphaël se serait bien rendu à Florence avant 1504. En revanche, la datation des études anatomiques de Raphaël, si elles sont en lien avec les études de Michel-Ange et de ses élèves, doit être repoussée après 1515.
Fig. 5. Détail de la fig. 1, en bas à droite : motif architectural
Fig. 6. Le Pérugin. Annonciation Ranieri. Vers 1487-1489. Tempera sur toile. H. 0,555 ; L 0,42. Collection privée, en dépôt à la Galleria Nazionale dell'Umbria à Pérouse..
Le dessin préparatoire au San Nicola da Tolentino combattant le démon comporte un autre motif au verso, toujours à la plume et à l’encre brune (fig. 5), que Tom Henry et Alessandro Delpriori ont rattaché à l’architecture visible dans l’Annonciation Ranieri (fig. 6), petit tableau appartenant à une collection privée, en dépôt à la Galleria Nazionale dell’Umbria, à Pérouse2323Voir notamment Vittoria Garibaldi (dir.), Le Pérugin. Maître de Raphaël, cat. exp., Paris, musée Jacquemart-André–Institut de France, 12 septembre 2014-19 janvier 2015, no 42 (Le Pérugin).. Alessandro Delpriori réattribue, de fait, à Raphaël cette Annonciation jusqu’alors donnée au Pérugin, son maître. Anna Maria Ambrosini Massari a repris ce rapprochement et cette attribution en 20192424Alessandro Delpriori, « La preistoria di Raffello e una luce su Evangelista di Piandimeleto », Studi di Storia dell'Arte, 31-2020, p. 67-92 ; Anna Maria Ambrosini Massari, « 'Illustris Raphael » : Raffaello, Città di Castello e il nodo della formazione di un genio, dans Alessandro Delpriori (dir.), Prima e dopo Raffaello. Città di Castello e il Rinascimento, Perugia, 2019, p. 13-73. Le motif architectural a aussi été rapproché des cours des palais ducaux de Gubbio et d'Urbino (voir cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 9, no 2, p. 167. Tom Henry rappelle également des similitudes avec le Palazzo Ducale d'Urbino, ou la façade de la cathédrale de Spolète (voir cat. exp., Londres, 2004-2005, cit. n. 9, p. 103).. Le petit motif d’architecture sur le dessin de Raphaël nous semble cependant plutôt résulter d’une sorte de compromis entre l’Annonciation Ranieri et l’architecture qui se déploie dans le Mariage de la Vierge du Pérugin (musée des Beaux-Arts de Caen2525Le Pérugin, Le Mariage de la Vierge, 1499-1504, détrempe sur bois, H. 2,34 ; L. 1,86, Caen, musée des Beaux-Arts, inv. 171.), œuvre commandée vers 1499 mais achevée vers 1504 et exécutée pour San Lorenzo à Pérouse. En effet, si l’élévation correspond à peu de chose près à l’architecture de l’Annonciation, la forme des chapiteaux et du fronton cintré de la fenêtre, plus sobres, dérivent directement du Mariage de la Vierge (fig. 7).
Fig. 7. Le Pérugin. Le Mariage de la Vierge. 1499-1504. Détrempe sur bois. H. 2,34 ; L. 1,86. Caen, musée des Beaux-Arts, inv. 171.
En 1500-1501, le Mariage de la Vierge n’était pas achevé. Raphaël a-t-il eu accès, cette fois, aux dessins du Pérugin alors que lui-même était en train de peindre une œuvre qui devait s’insérer dans un espace architectural cintré pour la Pala Baronci . Une dernière remarque, enfin, sur ce verso : les petites « boucles » qui se trouvent au-dessus de l’élévation ne correspondent pas à des éléments d’architecture, mais à de la végétation2626Je remercie Kilian Laclavetine d'avoir attiré mon attention sur ce motif et d'avoir suggéré qu'il pouvait s'agir d'un élément végétal. Sylvia Ferino Pagden suppose qu'il s'agit d'un élément architectural dans cat. exp., Città di Castello, 2021-2022, cit. n. 1, p. 39, légende de la fig. 3.. C’est exactement cette même manière d’évoquer les plantes que nous retrouvons dans le dessin préparatoire à la Madone d’Albe (fig. 8)… une douzaine d’années plus tard. On peut noter la capacité de Raphaël à synthétiser certains motifs, qu’il s’agisse de la végétation, du cavalier, ou encore de la tête de l’évêque de profil, dessinée en haut à droite dans l’angle du dessin pour la Pala Baronci et évoquée en quelques lignes épurées (fig. 9).
Fig. 8. Raphaël. Étude pour la Madone d'Albe. Stylet, sanguine, plume et encre brune, pierre noire. H. 0,422 ; L. 0,273. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 456.
Fig. 9. Recto de la fig. 1 : étude pour l'évêque. Détail en haut à droite de l’Étude pour San Nicola da Tolentino combattant le démon – Pala Baronci. Pierre noire, stylet, marques de piqûres. H. 0,394 ; L 0,263. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 474.
Tous ces motifs secondaires interrogent aussi sur la manière dont Raphaël pouvait ou non conserver ses propres dessins et les réutiliser. Les oiseaux, ainsi que le cavalier, sont considérés comme étant de sa main et généralement contemporains des autres dessins tracés sur les mêmes feuilles. Mais les dessins de Raphaël pouvaient aussi être conservés par ses collaborateurs ou par d’autres artistes de l’atelier où il a exercé, que ce soit à Pérouse, Florence ou Rome, et rien ne permet d’exclure que ces derniers aient à leur tour dessiné sur les feuilles utilisées par leur maître, comme le prouve le verso du dessin des anges musiciens. Dans le cas des oiseaux, du cavalier et du motif architectural, doit-on envisager que Raphaël ait conservé ses dessins jusqu’à son installation à Florence en 1504, ou doit-on considérer qu’il ait emporté ses dessins depuis Pérouse ou Città di Castello lors d’un séjour à Florence antérieur à 1504 ? Nous pencherions plutôt pour la seconde hypothèse.
De l’usage de mannequins de bois chez Raphaël
Le dessin de la Madone d’Albe (fig. 8), outre la manière d’esquisser la végétation dont nous avons parlé, révèle un autre aspect de la méthode d’élaboration des compositions et des figures propre à Raphaël. Si la structure de ses dessins comporte souvent une logique de construction, plus ou moins visible selon qu’il utilise ou non un stylet, il prend garde à inscrire sa scène ou ses personnages dans des schémas proportionnés et équilibrés caractéristiques de l’harmonie de ses œuvres. L’emploi de mannequins par l’artiste, tant pour ses compositions d’ensemble que pour fixer la position d’une figure ou d’un drapé, a rarement été évoqué. Il s’agit pourtant d’une pratique courante qui s’ajoute au recours à des modèles vivants, les fameux garzoni de l’atelier. Bien que Giorgio Vasari n’en parle pas dans sa Vie de Raphaël, ce dernier eut certainement recours à des mannequins, notamment des mannequins en bois, comme cela se pratiquait déjà. À ce sujet, nous renvoyons aux publications existantes, en particulier celles de Gianni Carlo Sciolla, Carmen C. Bambach, Jane Munro, et, en dernier lieu, d’Éric Pagliano, qui démontrent l’utilisation de mannequins au cours de cette période2727Voir Gianni Carlo Sciolla, « Il disegno dal manichino in legno e dal modello in terra e ceranella tradizione dal Quattrocento al Seicento. Appunti per una ricerca », Documenti, 3, Conservazione dei material librari archivistici e grafici, 1996, p. 209-226 ; Carmen C. Bambach, « Leonardo and drapery studies on 'tela sottilissima de lino' », Apollo, janvier 2004, p. 44-55 ; Jane Munro, Silent partners. Artist and Mannequin from Function to Fetish, cat. exp., Cambridge, Fiztwilliam Museum, octobre 2014-janvier 2015, Cambridge-Yale University Press, New Haven et Londres, 2014 ; exposition également présentée au musée Bourdelle à Paris (Jane Munro dir.), avec la collaboration d’Amélie Simier et Jérôme Godeau, Mannequin d’artiste. Mannequin fétiche, cat. exp., Paris, musée Bourdelle, 1er avril-12 juillet 2015) ; Éric Pagliano, « Composer », dans Éric Pagliano, Sylvie Ramond (dir.), Drapé. Degas, Christo, Michel-Ange, Rodin, Man Ray, Dürer…, cat. exp., Lyon, musée des Beaux-Arts, 30 novembre 2019-8 mars 2020, p. 90-99 et p. 100-145 (« Étudier »).. Vasari indique par exemple clairement, dans la Vie de Fra Bartolomeo – un artiste que Raphaël a bien connu – qu’il faisait usage de mannequins de bois2828Giorgio Vasari, Le Vite dei' pui eccellenti pittori, scultori e architettori (…), 2e éd. Florence, 1568 (éd. consultée : André Chastel, Paris, 1989 (1ère éd. 1983), vol. 5, p. 126).. Plusieurs dessins tendent à le démontrer, dont la Madone d’Albe exécutée à Rome pour Paolo Giovo. En effet, si l’étude de la Vierge elle-même est célèbre comme exemple de dessin d’après le modèle vivant, incarné en l’occurrence par l’un des fameux garzoni de l’atelier, nous souhaiterions ici attirer l’attention sur l’étude du Christ enfant en bas à droite de la feuille (fig. 10). Cette petite étude représente Jésus enfant, dans une technique différente de la composition principale qui est à la sanguine. Cette fois, Raphaël emploie la pierre noire, et surtout la plume et l’encre brune qu’il va également utiliser par dessus la sanguine au centre de la composition pour étudier le positionnement des bras de l’Enfant et de la Vierge et reprendre les figures de Jésus enfant et de saint Jean-Baptiste enfant tenant l’agneau2929L'agneau a été remplacé par des fleurs dans la peinture., la Vierge tenant le livre de la main droite. La position de l’Enfant a été rapprochée des études d’après le Tondo Taddei de Michel-Ange et de ses recherches pour la Madone Bridgwater. Si le corps de l’Enfant, isolé en bas de la feuille, est dessiné à la plume, l’une des techniques habituelles de Raphaël, le bras droit, d’abord dirigé vers la droite, a été complété à la pierre noire et présente un type moins habituel, même si nous retrouvons bien le trait rapide et sûr de l’artiste pour indiquer sa forme et son mouvement : la main est un moignon et l’articulation au niveau du coude est indiquée de manière plus géométrique, ce qui évoque irrésistiblement un mannequin de bois.
Fig. 10. Détail de la fig. 8, en bas à droite : étude pour le Christ enfant. Plume et encre brune, pierre noire.
Fig. 11. Raphaël. Études pour la Vierge à l'Enfant. Vers 1506-1507. Plume et encre brune, sur des traces à la sanguine. H. 0,253 ; L. 0,183. Londres, The British Museum, inv. Ff,1.36.
D’autres études de Vierge à l’Enfant paraissent également avoir été composées à l’aide d’un mannequin, notamment une feuille conservée au British Museum (fig. 11) et une autre à l’Albertina de Vienne3030Raphaël, Études de Madones, plume et encre brune, sanguine, 1506-1507, H. 0,262 ; L. 0,193, Vienne, The Albertina Museum, inv. 209 verso., oùl’inclinaison de la tête de la Vierge obéit à un mouvement qui semble suivre un axe, comme sur un mannequin de bois, avec une rigidité à l’opposé du « naturel », ce que Tom Henry a souligné en 2004, sans toutefois mentionner à propos de ces études l’emploi de mannequins3131Voir cat. exp., Londres, 2004-2005, cit. n. 9, no 63 (British Museum) et no 64 (Albertina). Sous le no 63 : « Raphael's schematic figures in drawings like the present one also do not give the impression of having been studied from life (…) » [Les figures schématiques de Raphaël dans des dessins comme celui-ci ne donnent pas non plus l’impression d’avoir été étudiées d’après nature].. De même, dans la feuille de Bayonne3232Voir Benjamin Couilleaux, cat. exp., Bayonne, 2020, cit. n. 1, no 5 (Tête de Vierge et l'Enfant, et Vierge allaitant l'Enfant, vers 1507-1508, plume et encre brune sur papier frotté et lavé rouge pâle, H. 0,162 ; L. 0,079, inv. 1283)., les pieds de la Vierge sont rapidement indiqués, de manière quasi géométrique, à l’extrémité de jambes elles-mêmes rigides (fig. 12).
Fig. 12. Raphaël. Tête de Vierge et l'Enfant et Vierge allaitant l'Enfant. Vers 1507-1508. Plume et encre brune sur papier frotté et lavé rouge pâle. H. 0,162 ; L. 0,079. Bayonne, musée Bonnat-Helleu, inv. 1283.
Fig. 13. Raphaël. Étude pour la draperie du Christ de la Dispute du Saint-Sacrement. Stylet, pointe de plomb, lavis brun, rehauts de blanc. H. 0,408 ; L. 0,269. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 471.
Fig. 14. Photographie infrarouge de la fig. 13.
L’étude pour la draperie du Christ de la Dispute du Saint-Sacrement (fig. 13) fait partie de ces dessins pour lesquels l’utilisation d’un mannequin est très probable. Françoise Viatte et Catherine Goguel, puis plus récemment Éric Pagliano, ont déjà relevé cette possibilité3333Voir cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 9, no 68 ; Pagliano, dans cat. exp., Lyon, 2019-2020, cit. n. 27, p. 107. Voir également Chris Fischer, « Raphael and Fra Bartolommeo – Drawing on Friendship », dans Jacoby, Sonnabend (dir.), Raffael als Zeichner…, cit. n. 17, p. 133-148, plus particulièrement, p. 139.. L’imagerie scientifique faite au C2RMF a permis, grâce à une photographie infra-rouge, de mettre en évidence les traits préparatoires à la draperie (fig. 14), dont le mouvement et le volume ont été sublimés ensuite grâce à l’encre brune et à des rehauts de blanc. Ces traits « sous-jacents » dévoilent d’une part l’indication de la figure et sa mise en place avant le dessin du drapé dont elle est revêtue, ainsi que les lignes de plis qui ont été reprises à l’encre et par des rehauts de blanc. Si les jambes ne sont pas clairement indiquées, c’est parce qu’elles ont été recouvertes d’un tissu pour étudier le mouvement de la draperie. L’esquisse rapide du corps, par petits traits successifs rehaussés de lavis brun, avec la main droite comme figée, est ainsi interrompue à partir du bassin pour laisser place à l’étude de la draperie elle-même, confirmant qu’une figure a été drapée et éclairée pour obtenir les effets d’ombre et de lumière désirés, comme cela était d’usage, et comme Fra Bartolomeo, Léonard de Vinci et Michel-Ange l’ont pratiqué3434Voir Françoise Viatte (dir.), Léonard de Vinci. Les études de draperies, cat. exp., Paris, musée du Louvre, Hall Napoléon, 5 décembre 1989-26 février 1990 ; Bambach, cat. exp., New York, 2017-2018, cit. n. 21, p. 86, fig. 52 et Louis Frank, « Les études de draperies – attributions – L'univers optique – L'école de Léonard », dans Vincent Delieuvin, Louis Frank (dir), Léonard de Vinci, cat. exp., Paris, musée du Louvre, Hall Napoléon, 24 octobre 2019-24 février 2020, p. 37-57. . Un dessin conservé à Lille, attribué jusqu’ici à Fra Bartolomeo, illustre parfaitement ce travail sur le drapé, qui a été rapproché de celui de Léonard de Vinci3535Voir Léonard de Vinci. Les études de draperies, cat. exp., Paris, 1989-1990, cit. n. 34, no 24 (et reproduction du verso). Ce dessin a récemment été proposé comme étant de la main de Francesco Granacci par Carmen C. Bambach (août 2022). Il est à noter qu'au dos de cette feuille figure une étude d'homme debout – pour un saint Sébastien ? –, à la pierre noire, très proche stylistiquement du dessin actuellement conservé sous le nom de Raphaël à Pesaro, à la Biblioteca Oliveriana. Le recto du dessin conservé à Pesaro, représentant une étude de draperie, a été mis en relation avec La Résurrection du Christ, considérée comme l'une des premières peintures connues de Raphaël (elle est conservée au Museo de Arte, à São Paolo au Brésil). Voir notamment Carol Plazzota, dans cat. exp., Londres, 2004-2005, cit. n. 9, no 22 (Raphaël) et, en dernier lieu, Anna Maria Ambrosini Massari, cit. n. 24, p. 38, fig. 31 (sous le nom de Raphaël)..
L’emploi de mannequins, pour une figure seule ou pour une composition d’ensemble, nous paraît pouvoir être repéré dans d’autres feuilles de Raphaël ou de ses collaborateurs, notamment dans un autre dessin de Lille : une étude de cariatide3636Lille, Pl. 433 verso. Voir Cordélia Hattori, « Raphaël, entre le visible et l'invisible. Dessins du musée de Lille », Cahiers d'histoire de l'art, no 18, 2020, p. 149-153 : voir. p. 151, fig. 6a (Raphaël et collaborateur). (fig. 15), qui paraît être préparatoire à celle située sous l’École d’Athènes au Palais du Vatican, et dont la partie haute semble rapidement esquissée dans un style très proche de l’Enfant de la Madone d’Albe. Par ailleurs, un dessin d’ensemble ne laisse aucun doute sur l’utilisation de mannequins : l’étude pour le positionnement de plusieurs personnages entourant le Christ dans la Dispute du Saint-Sacrement, conservée à Milan à la Biblioteca Ambrosiana3737Raphaël, Projet pour la partie supérieure de la Dispute du Saint-Sacrement, plume et encre brune, H. 0,20 ; L. 0,315, Milan, Pinacoteca Ambrosiana, inv. F 261 inf. n. 452 verso (p. 39). Ce dessin est mentionné dans cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 9, p. 241, sous le no 68 consacré à l’étude de draperie.. L’emploi, par Raphaël, de plusieurs mannequins pour penser sa composition d’ensemble paraît également pouvoir être constaté dans l’étude pour la Messe de Bolsène conservée au département des Arts graphiques du musée du Louvre (fig. 16).
Fig. 15. Raphaël et collaborateur. Étude de cariatide. Pierre noire. H. 0,225 ; L. 0,154. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 433 verso.
Fig. 16. Raphaël. La Messe de Bolsène. Plume et encre brune. H. 0,247 ; L. 0,398. Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques, inv. 3866 verso.
Bien entendu, les artistes pouvaient aussi utiliser des mannequins de cire, ou d’argile, qu’ils recouvraient de draperies pour leurs études. Dans les exemples que nous venons d’étudier, il s’agit plutôt de mannequins de bois dont les premiers exemplaires connus provenaient du nord de l’Europe, ce qui n’est pas anodin, sachant du reste que Giovanni Santi, le père de Raphaël, était sensible à l’art des écoles du Nord3838Sur Giovanni Santi et son goût pour l'art des écoles du nord, voir Varese Ranieri, Giovanni Santi, Fiesole, 1994 ; Kim E. Butler, « Raffaello ed I pittori della Cronaca Rimata di Giovanni Santi », dans Raffaello e Urbino, la formazione giovanile e i rapporti con la città natale, cat. exp., Urbino, Palazzo Ducale Galleria Nazionale delle Marche, 5 avril-12 juillet 2009, et Caterina Limentani Virdis, « Alcune note e proposte sul fiamminghismo di Giovanni Santi », dans Varese Ranieri (dir.), Giovanni Santi, Atti del convegno internazionale di studi, Urbino, Convento di Santa Chiara, 17-19 mars 1995, Milan, 1999, p. 115-118. et que Raphaël lui-même admirait entre autres les œuvres d’Albrecht Dürer3939Un dessin en témoigne : Raphaël, Étude de deux hommes, stylet et sanguine et annotation de la main de Dürer à la plume, H. 0,403 ; L. 0,281, Vienne, The Albertina Museum, inv. 17575. Voir, en dernier lieu, Ben Thomas, « Raphael invenit: Drawing, eloquence and print », dans Ben Thomas et Catherine Whistler (dir.), Raphael: Drawing and Eloquence, Urbino, 2020, p. 19-40..
Filigranes
Fig. 17. Filigrane de la fig. 13
Fig. 18. Raphaël. Étude pour le Christ aux limbes. Stylet, plume et encre brune. H. 0,40 ; L. 0,259. Lille, palais des Beaux-Arts, inv. Pl. 439.
Fig. 19. Filigrane du papier de la fig. 18
Toujours grâce aux recherches menées au C2RMF, un filigrane a pu être mis en évidence dans l’épaisseur du papier de la draperie du Christ pour la Dispute du Saint-Sacrement (fig. 17). Le filigrane 480 du répertoire de Briquet4040Charles-Moïse Briquet, Les filigranes. Dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu'en 1600, New York, 1966, t. 1, no 480. Briquet indique une variante pour ce filigrane, trouvée sur une feuille romaine de 1513. est celui qui lui ressemble le plus. Cependant, si le motif est quasi identique, avec une ancre dans un cercle surmonté d’une étoile le touchant, deux caractéristiques en diffèrent. Le filigrane de notre feuille mesure environ 7 cm de haut sur 4 cm de large, alors que le Briquet mesure environ 5 cm de haut sur 3,2 cm de large, et un trait est visible dans la verge de l’ancre. Un filigrane, identique cette fois à celui de notre feuille, a été identifié sur plusieurs dessins de Michel-Ange, datés de différentes périodes, parmi lesquels deux dessins préparatoires au décor du plafond de la Chapelle Sixtine, conservés au musée Teyler à Haarlem et datant de 1510-1511 – les autres dessins sont plus tardifs4141Jane Roberts, A Dictionary of Michelangelo watermarks, Milan, 1988, no Anchor E. Un filigrane similaire a également été trouvé sur une feuille dessinée par Raphaël représentant Melpomène et préparatoire à la fresque du Parnasse de la Chambre de la Signature, dessin aujourd'hui daté, lui aussi, vers 1510-1511, mais il manque le trait au milieu de la verge de l'ancre. Je remercie Carmen Bambach d’avoir attiré mon attention sur les filigranes trouvés sur des dessins de Michel-Ange. Un dessin pour la Grande Sainte Famille, dite de François Ier conservé au Louvre (Jeune femme assise, tournée vers la gauche, tendant les bras vers un enfant, sanguine, traces de pointe de métal, H. 0,173 ; L. 0,118, inv. 3862), porte un filigrane avec une ancre et une étoile, malheureusement tronqué, mais qui semble être identique au nôtre d'après les mesures que nous avons pu prendre. Le tableau est daté de 1518. Cela signifierait-il que ce papier a été en usage à Rome au moins entre 1510 et 1518 ? Un autre dessin conservé au musée du Louvre, préparatoire au décor de la Loggia de la Villa Farnesina (inv. 4019), porte également un filigrane similaire, mais il est dans un sens perpendiculaire à celui de Lille et celui du Louvre pour la Grande Sainte Famille, par rapport aux vergeures et aux pontuseaux. Ce dessin est daté vers 1514.. Raphaël et Michel-Ange auraient ainsi utilisé le même papier au cours de la même période, alors qu’ils travaillaient tous les deux au Vatican. Si nous considérons que ce papier n’était pas en usage avant 1510, en vertu des datations des dessins de Michel-Ange, cela signifierait alors que la fresque de la Dispute du Saint-Sacrement n’a pas été achevée avant 1510-1511. La chronologie de l’exécution des fresques de la Chambre de la Signature pour le pape Jules II (Giuliano della Rovere, né en 1443, mort en 1513, élu pape en 1503) a longuement été discutée et les avis des chercheurs divergent, mais il est souvent admis que la fresque de la Dispute du Saint-Sacrement aurait été peinte la première, après le plafond, et avant l’École d’Athènes, contrairement à ce qu’indique Vasari4242Vasari, 1568, cit. n. 28, p. 200-202.. Le filigrane figurant sur le dessin de l’étude de la draperie du Christ pour la Dispute du Saint-Sacrement confirmerait alors l’affirmation de Vasari.
Un deuxième dessin de Lille porte un filigrane : l’étude pour le Christ aux limbes (fig. 18 et 19). Ce dessin est préparatoire à l’un des deux médaillons en bronze d’après des dessins de Raphaël, actuellement conservés à l’abbaye de Chiaravalle4343Ces deux médaillons en bronze d'un diamètre de 90 cm représentent L'Incrédulité de saint Thomas et Le Christ aux limbes. Ils sont tous deux conservés à l'abbaye Santa Maria Chiaravalle, Milan. en Italie, près de Milan. Ils sont généralement considérés comme faisant partie du décor de la Chapelle Chigi à Santa Maria della Pace à Rome. L’exécution du décor de la chapelle incluant ces médaillons est datée entre 1511 et 1514, soit avant que le chantier de la chapelle4444Sur ce décor voir, en dernier lieu, Benjamin Couilleaux, cat. exp., Bayonne, 2020, cit. n. 1, no 9, et Tom Henry, dans cat. exp., Londres, National Gallery, 2022, cit. n. 1, p. 198 à 205, (voir nos 44 à 49, no 47 pour le dessin de Lille). ne soit achevé, après le décès de Raphaël. Le filigrane qui a pu être repéré sur la feuille correspondrait au Briquet 62804545Voir Briquet, cit. n. 40, t. 2, no 6280., avec, cette fois, des dimensions identiques à la description du Briquet, soit 8 cm sur 4 cm, qui signale l’existence de ce filigrane à Florence entre 1506 et 1510. Bien sûr, rien n’empêche Raphaël d’utiliser un papier florentin même après son arrivée à Rome. L’attribution des bronzes à Cesarino Rossetti, comme le suggère Tom Henry en 2022, plutôt qu’à Lorenzo Giovanni di Ludovico Lotti, dit Lorenzetto, impliquant une exécution plus précoce pour la Chapelle Chigi, vers 1510-1511, serait alors l’hypothèse la plus probable4646Henry, dans cat. exp., Londres, National Gallery, 2022, cit. n. 1, p. 199..
Les dessins de Raphaël conservés à Lille, malgré leur réputation, recèlent encore quelques secrets. Les éléments que nous avons souhaité développer dans cet article permettent de s’interroger à nouveau sur les premières années de l’artiste, mais aussi sur ses pratiques de dessinateur. D’autres dessins feront l’objet de nouvelles investigations et les études menées au C2RMF sur six dessins recto/verso, parmi lesquels nous avons ici dévoilé un tracé sous-jacent et un filigrane, apporteront certainement des éléments utiles à la compréhension de l’œuvre de Raphaël.
Remerciements Je remercie Carmen C. Bambach et Dominique Cordellier de nos bienveillants échanges et de m’avoir fait bénéficier de leurs savoirs. Je remercie Éric Pagliano et Kilian Laclavetine, du C2RMF, pour leur collaboration et leurs remarques judicieuses.
1Voir les catalogues d’exposition publiés à partir de 2017 pour les célébrations : Catherine Whistler, Ben Thomas, Achim Gnann, Angelamaria Aceto (dir.), Raphael. The Drawings, Oxford, The Ashmolean Museum, 1er juin-3 septembre 2017 ; Achim Gnann (dir.), Raphael, Vienne, Albertina Museum, 29 septembre 2017-7 janvier 2018 ; Barbara Agosti, Silvia Ginzburg (dir.), Raffello e gli amici di Urbino, Urbino, Galleria Nazionale delle Marche, Palazzo Ducale, 3 octobre 2019-19 janvier 2020 ; Marzia Faietti, Matteo Lafranconi, Francesco P. Di Teodoro, Vincenzo Farinella (Presidente del Comitato scientifico : Sylvia Ferino-Pagden), Raffaello 1520-1483, Rome, Scuderie del Quirinale, 5 mars-2 juin 2020 ; Mathieu Deldicque, Raphaël à Chantilly. Le maître et ses élèves, Chantilly, musée Condé, Cabinet d’arts graphiques, 7 mars-5 juillet 2020 ; Benjamin Couilleaux, Raphaël à Bayonne. Le maître, ses élèves, ses copistes dans les collections du musée Bonnat-Helleu, Bayonne, musée Bonnat-Helleu, 19 septembre-4 octobre 2020 ; Angela Cerasuolo et Andrea Zezza (dir.), Raffaello a Capodimonte. L'officina dell'artista, Naples, Museo di Capodimonte, 10 juin-13 septembre 2021 ; Marica Mercalli et Laura Teza (dir.), Raffaello giovane a Città di Castello e il suo sguardo, Città di Castello, Palazzo Vitelli alla Cannoniera-Pinacoteca comunale, 30 octobre 2021-9 janvier 2022 ; David Ekserdjian, Tom Henry, Matthias Wivel, Raphael, Londres, The National Gallery, 9 avril-31 juillet 2022. Nous ne mentionnons pas ici les publications anciennes qui figurent déjà dans les rubriques bibliographiques de toutes ces références, sauf exception.
2Expérience Raphaël, Lille, Palais des Beaux-Arts, 18 octobre 2024-17 février 2025, commissaires Cordélia Hattori et Régis Cotentin, un catalogue paraîtra en octobre 2024.
3John Shearman, Raphael in early modern sources (1483-1602), New Haven et Londres, 2003, 2 vol. (voir vol. 1, 1500/2 et 1501/1, p. 71-75).
4Le tableau d'Ermenegildo Costantini est conservé à la Pinacoteca comunale, Città di Castello, huile sur toile, H. 3,10 ; L. 1,76.
5Nous souhaitons ajouter aux recherches déjà effectuées une remarque sur la similitude entre l'ange situé à gauche au premier plan sur le dessin de Lille et le personnage situé à droite à l'arrière de la composition, entre le personnage agenouillé et celui qui s’enfuit, en sens inverse, dans Le Miracle de saint Jérôme de Raphaël (huile sur bois, H. 0,23 ; L 0,41, Raleigh, Museum of North Carolina, inv. 65.21.1), l'une des prédelles de la Crucifixion Mond (vers 1502, huile sur bois, H. 2,79 ; L. 1,66, Londres, The National Gallery, inv. NG3943). Les deux anges de droite sont également proches du groupe de femmes situé à droite dans La Présentation au temple (tempera sur bois transféré sur toile, H. 0,27 ; L 0,50, Rome, musées du Vatican, inv. 40335), l'une des prédelles de la Pala Oddi. Ces deux œuvres, postérieures à la Pala Baronci, sont datées vers 1502-1503.
6Dominique Cordellier (échange oral du 23 juin 2023) suggère qu'il pourrait s'agir d'un phénix sortant des flammes, mais ses ailes ne sont pas déployées et son bec est long et fin.
7Anna Forlani Tempesti, « I Disegni », dans Luisa Becherucci, Alessandro Marabottini, Anna Forlani Tempesti, Giuseppe Marchini, Raffaello. L'opera, La Fonti, La Fortuna, Istituto Geografico di Agostini, Novara, 2 vol., 1968, vol. 2, p. 307-430, plus particulièrement p. 316 : « Ma è anche da notarvi un'evidente conoscenza dell'arte fiorentina, intorno al Verrocchio e al Pollajolo e soprattutto a Leonardo (a questo direttamente richiama il gruppo degli animali sul verso del foglio di Lille), che, se poteva esser fornita al Sanzio dalle esperiense del Perugino, autorizza però anche l'ipotesi, autorevolmente avanzata, di altri viaggi di Raffaello a Firenze avanti al 1500, al segito del maestro, prima di quello certo del 1504 » [« Mais il faut aussi noter une connaissance évidente de l’art florentin, autour de Verrocchio et de Pollajolo, et surtout de Leonardo (le groupe d’animaux au verso de la feuille de Lille le rappelle directement), qui, si elle a pu être fournie à Raphaël par le biais du Pérugin, autorise également l’hypothèse, avancée avec assurance, d’autres voyages de Raphaël à Florence avant 1500, à la suite du maître, avant la date avérée de 1504 »]. Anna Forlani Tempesti, dans son ouvrage Raffaello. Disegni, Florence, 1983, reprend une hypothèse développée par Roberto Longhi dans son article « Percorso di Raffello Giovine », Paragone, 6, 1955, no 65, p. 8-23 : no IV : « Gli studi di uccelli in controverso, a penna, sono di chiara ispirazione leonardesca (se non già dal cigno della Leda che Leonardo pare aver progettato nel secondo soggiorno fiorentino, certo da disegni naturalistici di sua mano) e potrebbero aggiungersi agli altri elementi che fanno supporre un precoce soggiorno del Sanzio a Firenze ») : [« Les études d’oiseaux au verso, à la plume, sont clairement inspirées de Léonard (si ce n’est déjà du cygne de Léda que Léonard semble avoir conçu lors du second séjour florentin, certainement à partir de dessins naturalistes de sa propre main) et pourraient être ajoutées aux autres éléments qui suggèrent un séjour précoce de Raphaël à Florence »].
8Paul Joannides, The Drawings of Raphael. With a Complete Catalogue, Oxford, 1983, no 4, p. 40.
9Voir Françoise Viatte et Catherine Goguel (dir.), Raphaël dans les collections françaises, cat. exp., Paris, Galeries nationales du Grand Palais, 15 novembre 1983-13 février 1984, p. 165-166, no 2 ; Hugo Chapman, Tom Henry, Carol Plazzotta (dir.), Raphael from Urbino to Rome, cat. exp., Londres, National Gallery, 20 octobre 2004-16 janvier 2005, no 17, note 1.
10Paul Joannides, dans Lorenza Mochi Onori (dir.), Raffaello e Urbino, cat. exp., Urbino, Galleria Nazionale delle Marche, 4 avril-12 juillet 2009, no 57, considère qu’ils n’ont pas été exécutés d'après nature.
11Léonard de Vinci, Un Ravin, vers 1482-1485, plume et encre brune, H. 0,22 ; L. 0,158, inv. RCIN 912395, Londres, Windsor Castle, The Royal Collection. H.M. King Charles III 2023.
12Voir notamment Dominique Cordellier et Bernadette Py, Raphaël, son atelier, ses copistes. Musée du Louvre. Musée d'Orsay. Département des Arts graphiques. Inventaire général des dessins italiens. V., Paris, 1992 (en particulier de la page 3 à la page 28) ; John Shearman, « On Raphael's Chronology, 1503-1508 », dans Victoria von Flemming, Sebastian Schütze (éd.), Ars naturam adiuvans. Festschrift für Matthias Winner zum 11. Marz 1996, Mainz am Rhein, 1996, p. 201-207 ; cat. exp., Naples, 2021, cit. n. 1, et cat. exp., Città di Castello, 2021-2022, cit. n. 1.
13Couronnement de la Vierge, huile sur bois transposée sur toile, H. 2,67 ; L. 1,63, Rome, musées du Vatican, inv. 334.
14Voir cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 8, p. 191-192, no 27 ; et Paul Joannides, Raphaël et son temps. Dessins du palais des Beaux-Arts de Lille, cat. exp., Lille, Palais des Beaux-Arts, mai-juillet 2003, p. 108-111, no 23.
15Voir notamment les dessins suivants : Léonard de Vinci, Escarmouche entre des cavaliers et des hommes à pied, plume et encre brune, H. 0,164 ; L. 0,152, Venise, Galleria dell'Accademia, inv. 215, et Bataille pour l'étendard au pont, plume et encre brune, H. 0,099 ; L. 0,141, Venise, Galleria dell'Accademia, inv. 216.
16Raphaël, Études pour la Trinité de San Severo et croquis d'après Léonard, vers 1505-1507, pointe de métal et rehauts de blanc sur papier préparé, H. 0,211 ; L. 0,274, Oxford, The Ashmolean Museum, inv. WA 1846.176.
17Voir Joannides, cat. exp., Lille, 2003, cit. n. 13, note 12, no 20b (Perino del Vaga ?), et Michiel C. Plomp, « The recto/verso enigma: Workshop drawings on the verso of autograph sheets by Raphael », dans Joachim Jacoby, Martin Sonnabend (dir.), Raffael als Zeichner/Raphael as draughtsman – Die Beiträge des Frankfurter Kolloquiums, Francfort, Städel Museum, 2015, p. 119-132, plus particulièrement p. 122.
18Ce livre d'heures est conservé à New York, Pierpont Morgan Library, M 69. L'iconographie est bien sûr religieuse.
19Voir notamment Léonard de Vinci, Études de figures, plume et encre brune, H. 0,405 ; L. 0,29, Londres, Windsor Castle, The Royal Collection H.M. King Charles III, inv. RL 12276.
20Léonard de Vinci, Feuille d'études, 1470-1480, plume et encre brune sur pointe de plomb et stylet, H. 0,164 ; L. 0,139, Washington, The National Gallery of Art, inv. 1991.217.2.a.
21Carmen C. Bambach, « Drawings Lessons », dans Carmen C. Bambach (dir.), Michelangelo. Divine Draftsman & Designer, cat. exp., New York, The Metropolitan Museum of Art, 13 novembre 2017-12 février 2018, p. 13-135, plus particulièrement p. 132 et 135, pl. 113 et 114.
22Voir en dernier lieu, cat. exp., Città di Castello, 2021-2022, cit. n. 1, no 30. Raphaël, Buste de jeune femme de profil (recto), pierre noire, plume et encre brune, rehauts de blanc, stylet, et Profil de femme (verso), plume et encre brune, vers 1502-1503, H. 0,254 ; L. 0,16, Florence, Gabinetto Disegni e Stampe degli Uffizi, inv. 57 E. Cette étude est peut-être réalisée d'après une sculpture. L'attribution du verso est discutée.
23Voir notamment Vittoria Garibaldi (dir.), Le Pérugin. Maître de Raphaël, cat. exp., Paris, musée Jacquemart-André–Institut de France, 12 septembre 2014-19 janvier 2015, no 42 (Le Pérugin).
24Alessandro Delpriori, « La preistoria di Raffello e una luce su Evangelista di Piandimeleto », Studi di Storia dell'Arte, 31-2020, p. 67-92 ; Anna Maria Ambrosini Massari, « 'Illustris Raphael » : Raffaello, Città di Castello e il nodo della formazione di un genio, dans Alessandro Delpriori (dir.), Prima e dopo Raffaello. Città di Castello e il Rinascimento, Perugia, 2019, p. 13-73. Le motif architectural a aussi été rapproché des cours des palais ducaux de Gubbio et d'Urbino (voir cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 9, no 2, p. 167. Tom Henry rappelle également des similitudes avec le Palazzo Ducale d'Urbino, ou la façade de la cathédrale de Spolète (voir cat. exp., Londres, 2004-2005, cit. n. 9, p. 103).
25Le Pérugin, Le Mariage de la Vierge, 1499-1504, détrempe sur bois, H. 2,34 ; L. 1,86, Caen, musée des Beaux-Arts, inv. 171.
26Je remercie Kilian Laclavetine d'avoir attiré mon attention sur ce motif et d'avoir suggéré qu'il pouvait s'agir d'un élément végétal. Sylvia Ferino Pagden suppose qu'il s'agit d'un élément architectural dans cat. exp., Città di Castello, 2021-2022, cit. n. 1, p. 39, légende de la fig. 3.
27Voir Gianni Carlo Sciolla, « Il disegno dal manichino in legno e dal modello in terra e ceranella tradizione dal Quattrocento al Seicento. Appunti per una ricerca », Documenti, 3, Conservazione dei material librari archivistici e grafici, 1996, p. 209-226 ; Carmen C. Bambach, « Leonardo and drapery studies on 'tela sottilissima de lino' », Apollo, janvier 2004, p. 44-55 ; Jane Munro, Silent partners. Artist and Mannequin from Function to Fetish, cat. exp., Cambridge, Fiztwilliam Museum, octobre 2014-janvier 2015, Cambridge-Yale University Press, New Haven et Londres, 2014 ; exposition également présentée au musée Bourdelle à Paris (Jane Munro (dir.), avec la collaboration d’Amélie Simier et Jérôme Godeau, Mannequin d’artiste. Mannequin fétiche, cat. exp., Paris, musée Bourdelle, 1er avril-12 juillet 2015) ; Éric Pagliano, « Composer », dans Éric Pagliano, Sylvie Ramond (dir.), Drapé. Degas, Christo, Michel-Ange, Rodin, Man Ray, Dürer…, cat. exp., Lyon, musée des Beaux-Arts, 30 novembre 2019-8 mars 2020, p. 90-99 et p. 100-145 (« Étudier »).
28Giorgio Vasari, Le Vite dei' pui eccellenti pittori, scultori e architettori (…), 2e éd. Florence, 1568 (éd. consultée : André Chastel, Paris, 1989 (1ère éd. 1983), vol. 5, p. 126).
29L'agneau a été remplacé par des fleurs dans la peinture.
30Raphaël, Études de Madones, plume et encre brune, sanguine, 1506-1507, H. 0,262 ; L. 0,193, Vienne, The Albertina Museum, inv. 209 verso.
31Voir cat. exp., Londres, 2004-2005, cit. n. 9, no 63 (British Museum) et no 64 (Albertina). Sous le no 63 : « Raphael's schematic figures in drawings like the present one also do not give the impression of having been studied from life (…) » [Les figures schématiques de Raphaël dans des dessins comme celui-ci ne donnent pas non plus l’impression d’avoir été étudiées d’après nature].
32Voir Benjamin Couilleaux, cat. exp., Bayonne, 2020, cit. n. 1, no 5 (Tête de Vierge et l'Enfant, et Vierge allaitant l'Enfant, vers 1507-1508, plume et encre brune sur papier frotté et lavé rouge pâle, H. 0,162 ; L. 0,079, inv. 1283).
33Voir cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 9, no 68 ; Pagliano, dans cat. exp., Lyon, 2019-2020, cit. n. 27, p. 107. Voir également Chris Fischer, « Raphael and Fra Bartolommeo – Drawing on Friendship », dans Jacoby, Sonnabend (dir.), Raffael als Zeichner…, cit. n. 17, p. 133-148, plus particulièrement, p. 139.
34Voir Françoise Viatte (dir.), Léonard de Vinci. Les études de draperies, cat. exp., Paris, musée du Louvre, Hall Napoléon, 5 décembre 1989-26 février 1990 ; Bambach, cat. exp., New York, 2017-2018, cit. n. 21, p. 86, fig. 52 et Louis Frank, « Les études de draperies – attributions – L'univers optique – L'école de Léonard », dans Vincent Delieuvin, Louis Frank (dir), Léonard de Vinci, cat. exp., Paris, musée du Louvre, Hall Napoléon, 24 octobre 2019-24 février 2020, p. 37-57.
35Voir Léonard de Vinci. Les études de draperies, cat. exp., Paris, 1989-1990, cit. n. 34, no 24 (et reproduction du verso). Ce dessin a récemment été proposé comme étant de la main de Francesco Granacci par Carmen C. Bambach (août 2022). Il est à noter qu'au dos de cette feuille figure une étude d'homme debout – pour un saint Sébastien ? –, à la pierre noire, très proche stylistiquement du dessin actuellement conservé sous le nom de Raphaël à Pesaro, à la Biblioteca Oliveriana. Le recto du dessin conservé à Pesaro, représentant une étude de draperie, a été mis en relation avec La Résurrection du Christ, considérée comme l'une des premières peintures connues de Raphaël (elle est conservée au Museo de Arte, à São Paolo au Brésil). Voir notamment Carol Plazzota, dans cat. exp., Londres, 2004-2005, cit. n. 9, no 22 (Raphaël) et, en dernier lieu, Anna Maria Ambrosini Massari, cit. n. 24, p. 38, fig. 31 (sous le nom de Raphaël).
36Lille, Pl. 433 verso. Voir Cordélia Hattori, « Raphaël, entre le visible et l'invisible. Dessins du musée de Lille », Cahiers d'histoire de l'art, no 18, 2020, p. 149-153 : voir. p. 151, fig. 6a (Raphaël et collaborateur).
37Raphaël, Projet pour la partie supérieure de la Dispute du Saint-Sacrement, plume et encre brune, H. 0,20 ; L. 0,315, Milan, Pinacoteca Ambrosiana, inv. F 261 inf. n. 452 verso (p. 39). Ce dessin est mentionné dans cat. exp., Paris, 1983-1984, cit. n. 9, p. 241, sous le no 68 consacré à l’étude de draperie.
38Sur Giovanni Santi et son goût pour l'art des écoles du nord, voir Varese Ranieri, Giovanni Santi, Fiesole, 1994 ; Kim E. Butler, « Raffaello ed I pittori della Cronaca Rimata di Giovanni Santi », dans Raffaello e Urbino, la formazione giovanile e i rapporti con la città natale, cat. exp., Urbino, Palazzo Ducale Galleria Nazionale delle Marche, 5 avril-12 juillet 2009, et Caterina Limentani Virdis, « Alcune note e proposte sul fiamminghismo di Giovanni Santi », dans Varese Ranieri (dir.), Giovanni Santi, Atti del convegno internazionale di studi, Urbino, Convento di Santa Chiara, 17-19 mars 1995, Milan, 1999, p. 115-118.
39Un dessin en témoigne : Raphaël, Étude de deux hommes, stylet et sanguine et annotation de la main de Dürer à la plume, H. 0,403 ; L. 0,281, Vienne, The Albertina Museum, inv. 17575. Voir, en dernier lieu, Ben Thomas, « Raphael invenit: Drawing, eloquence and print », dans Ben Thomas et Catherine Whistler (dir.), Raphael: Drawing and Eloquence, Urbino, 2020, p. 19-40.
40Charles-Moïse Briquet, Les filigranes. Dictionnaire historique des marques du papier dès leur apparition vers 1282 jusqu'en 1600, New York, 1966, t. 1, no 480. Briquet indique une variante pour ce filigrane, trouvée sur une feuille romaine de 1513.
41Jane Roberts, A Dictionary of Michelangelo watermarks, Milan, 1988, no Anchor E. Un filigrane similaire a également été trouvé sur une feuille dessinée par Raphaël représentant Melpomène et préparatoire à la fresque du Parnasse de la Chambre de la Signature, dessin aujourd'hui daté, lui aussi, vers 1510-1511, mais il manque le trait au milieu de la verge de l'ancre. Je remercie Carmen Bambach d’avoir attiré mon attention sur les filigranes trouvés sur des dessins de Michel-Ange. Un dessin pour la Grande Sainte Famille, dite de François Ier conservé au Louvre (Jeune femme assise, tournée vers la gauche, tendant les bras vers un enfant, sanguine, traces de pointe de métal, H. 0,173 ; L. 0,118, inv. 3862), porte un filigrane avec une ancre et une étoile, malheureusement tronqué, mais qui semble être identique au nôtre d'après les mesures que nous avons pu prendre. Le tableau est daté de 1518. Cela signifierait-il que ce papier a été en usage à Rome au moins entre 1510 et 1518 ? Un autre dessin conservé au musée du Louvre, préparatoire au décor de la Loggia de la Villa Farnesina (inv. 4019), porte également un filigrane similaire, mais il est dans un sens perpendiculaire à celui de Lille et celui du Louvre pour la Grande Sainte Famille, par rapport aux vergeures et aux pontuseaux. Ce dessin est daté vers 1514.
42Vasari, 1568, cit. n. 28, p. 200-202.
43Ces deux médaillons en bronze d'un diamètre de 90 cm représentent L'Incrédulité de saint Thomas et Le Christ aux limbes. Ils sont tous deux conservés à l'abbaye Santa Maria Chiaravalle, Milan.
44Sur ce décor voir, en dernier lieu, Benjamin Couilleaux, cat. exp., Bayonne, 2020, cit. n. 1, no 9, et Tom Henry, dans cat. exp., Londres, National Gallery, 2022, cit. n. 1, p. 198 à 205, (voir nos 44 à 49, no 47 pour le dessin de Lille).
45Voir Briquet, cit. n. 40, t. 2, no 6280.
46Henry, dans cat. exp., Londres, National Gallery, 2022, cit. n. 1, p. 199.