Le musée d’Orsay déploie « 100 œuvres qui racontent… », une initiative nationale annuelle explorant les grands enjeux contemporains à travers ses collections (1848-1914) via des prêts, un parcours et une publication thématique. Notre maison s’associe à cet événement inédit en coéditant le premier opus dont le thème est le climat. Nous avons interrogé la directrice de collection et l’équipe éditoriale, qui nous dévoilent la genèse de cette publication engagée.
Pour cette publication inaugurale, 100 œuvres qui racontent le climat, Servane Dargnies-de Vitry, directrice de collection et commissaire du projet, a orchestré une rencontre inédite : celle d’experts mondiaux du climat et des chefs-d’œuvre d’Orsay. L’objectif ? Éclairer les liens entre le passé et le présent, entre les bouleversements anthropologiques depuis la révolution industrielle et le changement climatique actuel. « La bataille pour le climat est désormais culturelle, affirme-t-elle avec conviction. Les œuvres d’art peuvent participer à la réflexion, en particulier celles conservées au musée d’Orsay, qui datent de la seconde moitié du du xixe siècle et du début du du xxe. Ainsi, les climatologues, les experts de la biodiversité et les hydrologues interviewés dans l’ouvrage rendent compte de l’état de leurs connaissances, mais ils le font de manière inédite, en s’appuyant sur des tableaux, des sculptures, des photographies… Les artistes que nous présentons ont parcouru le monde et immortalisé un certain état des paysages, de la biodiversité et du climat. Regarder leurs œuvres avec des experts du climat est une expérience qui enrichit notre regard sur celles-ci. »
Et c’est précisément ce que propose cet ouvrage, coédité avec notre maison : des récits puissants, à la croisée de l’art et de la science, illustrés par des tableaux qui témoignent de l’histoire du climat dans un dialogue fécond.
« Solastalgie »
« Ce livre est très pédagogique, s’enthousiasme Véronique Leleu, responsable d’édition de notre maison. Je pense notamment à l’interview de la climatologue Valérie Masson-Delmotte, qui nous met face à nos responsabilités en employant des exemples très clairs, qui mettent en évidence l’urgence de limiter le réchauffement climatique, chaque fraction de degré supplémentaire pouvant avoir de multiples conséquences graves. Elle évoque notamment le recul inexorable des glaciers et la « solastalgie ». Savez-vous ce que cela signifie ? Il s’agit de la détresse psychique ressentie par une personne devant la disparition d’un environnement qui lui est familier. Depuis la photographie Séracs du glacier des Bossoms supérieurs, prise en 1911 par Léon Gimpel, la mer de Glace a perdu plus de 200 mètres d’épaisseur et plusieurs kilomètres de longueur. Aussi, la climatologue souligne que ce mot décrit exactement ce que des personnes vivant dans les Alpes lui ont dit ressentir : le chagrin de perdre des repères tels que les glaciers, avec lesquels elles ont grandi et qu’elles ne retrouveront plus jamais. La lecture de cet ouvrage est émouvante, car elle nous confronte à la réalité de notre environnement, celui que nous partageons avec nos enfants et que nous leur léguerons. »
Beaucoup de rigueur
« Les interviews d’experts, conçues avec une grande rigueur scientifique et éditoriale, sont en dialogue avec les œuvres du musée, qui sont rassemblées dans des portfolios, éléments centraux de cette collection, poursuit l’éditrice. Cette structure permet d’intégrer harmonieusement des vignettes de tableau. »
Aurélien Farina, designer graphique, explique : « Les textes et les images qui les accompagnent sont imprimés sur des papiers distincts, afin de souligner leur spécificité. Les interviews sont caractérisées par un papier offset bouffant à la teinte Pantone bleu-vert, tandis que les cahiers d’images sont reproduits en quadrichromie sur papier couché brillant. Chaque ouvrage de la collection se distinguera par une couleur dominante, déclinée dans les textes et sur la couverture, de manière à créer une identité visuelle forte et cohérente.
« Le concept de cette collection repose sur une approche immersive, qui invite le lecteur à une exploration approfondie. La couverture, avec sa découpe, incarne cette idée de découverte. Elle offre un regard inédit sur les œuvres, un angle unique lié à la thématique de chaque livre. Cet effet de « fenêtre » est accentué par le jeu des couleurs, car on passe d’une vignette en bichromie à l’œuvre restituée dans ses couleurs d’origine, un principe qui sera repris dans tous les titres de la collection. »
Pour Servane Dargnies-de Vitry, directrice de l’ouvrage, l’objectif est clair : « Nous avons à cœur de toucher un public varié : des amateurs d’art, bien sûr, mais aussi des lecteurs qui s’intéressent au climat sans forcément penser que les musées peuvent leur apporter un éclairage sur ces questions. Notre souhait est de créer des passerelles entre ces univers, de nous ouvrir à un public nouveau tout en offrant aux visiteurs habituels du musée un regard différent sur les collections. Ainsi, pour compléter la lecture, un QR code figurant à la fin de l’ouvrage donne accès aux œuvres ainsi qu’à une présentation du projet dans son ensemble, partagé avec 31 musées en France. Cette ouverture est essentielle, car les musées ont un rôle crucial à jouer dans la réflexion collective sur les défis majeurs de notre époque. »